samedi 4 janvier 2014

DU VENEZUELA A LA COLOMBIE

DE PUERTO LA CRUZ (VENEZUELA) A CURACAO



Le 8 novembre, le début de la matinée se passe au vent de travers sous génaker. Les côtes du Venezuela ont disparu sous l’horizon.


Je fais route sur Curaçao, à 270 miles dans l’ouest nord-ouest. La route directe doit nous faire passer au sud des îles Tortuga, de l’archipel des Roques et des Aves.


Après le vent de travers, le près serré. La masse du continent sud-américain perturbe le flux de vent d’est. Il faut attendre 18 heures pour dérouler de nouveau le génaker. Le cap est toujours tenu au 290°.







Les réparations sur ma grand-voile tiennent toujours depuis Grenade. Il faut qu'elle fasse encore un petit effort avant la retraite.

9 novembre - Ce matin, il me reste 85 miles pour atteindre Klein Curaçao. Le vent a soufflé force 5 toute la nuit. Génaker roulé et foc déroulé, avec un ris dans ma grand-voile, j’avance au grand largue suffisamment vite pour perturber le sommeil fractionné du capitaine.
Pour arriver avant la nuit, il faut mettre le turbo. Autrement dit toute la toile que je peux supporter. Le loch restera une grande partie de la matinée à 10 nœuds.

A 14 heures, le capitaine décide de calmer le jeu. Le vent est monté à force 6 et des grains se profilent à l’horizon. Je me retrouve sagement sous foc et grand-voile à deux ris. Après en avoir vu passer sur tribord, sur bâbord, devant et derrière,  nous finissons par prendre notre nuage noir au-dessus de ma tête de mat. Sous la pluie, le vent monte à force 8 puis retombe rapidement. Klein Curaçao n’est plus très loin bien que toujours invisible à l'horizon.

16 heures 30, mon ancre est sur le sable, face à la plage et sous le vent de l’île. Cette première étape vers la Colombie a été rondement menée, après un début laborieux. Les 260 miles sont avalés en 1 jour et 12 heures. Soit une vitesse moyenne de …. plus de pile dans la calculatrice. Mais vous savez faire une division (260 : 36 = ... ).




KLEIN CURACAO
 


Devant mes étraves : quelques maisonnettes inhabitées et trois palmiers. Un samedi soir sans fièvre pour le capitaine.


 


Le lendemain matin, Yves prend pied sur cette île de 2 km de long et 750 mètres de large. C’est une copie tropicale de l’île de Sein : elle est plate, la végétation y est rase, il y a un phare et des épaves autour. Bon, ce sont les seuls points communs, mais quand même !


Tour de l’île à pieds : les tongs suffisent comme chaussures de marche. Le chemin est cimenté jusqu’au phare : tout panneau indicateur est superflu. La côte au vent n’est encore pas visible mais ont aperçoit déjà les épaves.


Le capitaine est arrivé sur la côte au vent. Il se retourne et constate que je peux toujours le voir. Comme il sait que je raconte tout, il reste sage.






Je peux donc vous affirmer que ce n’est pas lui qui a cassé les vitres du phare avec des cailloux.



Première épave, la plus imposante : le Maria Bianca Guidesman. C’est un petit pétrolier qui a fait côte il y a … quelques années déjà (rien  sur Internet à son sujet , c’est dire si c’est ancien !)




La mer le dissout morceau par morceau.

Cent mètres plus loin, deuxième épave. Un voilier de 18 mètres en polyester, qui était sous pavillon français : le Krisic. En route pour Curaçao depuis Los Roques, son sillage s’est arrêté ici au petit matin le 28 novembre 2006.




Des épaves en tout genre sont apportées par le vent et la mer. Il y a de quoi construire une ville en bois flotté.
L’alizé souffle fort, voire très fort, presque toute l’année ici. Il n’y a pas de répit pour les épaves.




Petit voilier en bois,





Une demi-coque polyester, celle de Tchao sans doute.





Le safran d’un autre




La poupe d’un bateau de pêche




Une étrave tribord,


Une autre étrave, mais en bois plastifié.

De quoi alimenter les éternelles discussions sur : " mon bateau est en acier*, bois*, plastique*, alu* parce que c'est plus résistant".
* rayer la mention inutile



Bon, il en a assez vu et rentre au bateau. A 11 heures départ. Juste au moment où les bateaux de passagers arrivent de Curaçao avec des visiteurs. Il y a du monde, c’est dimanche.
Un vent d’Est de force 5  nous pousse très vite vers Punt Kanon distante de 15 miles. Grand-voile à deux ris et foc suffisent à me donner des ailes.

CURACAO



13 heures, passage de Spaanse Baai pour entrer dans Spaanse Water. Yves veut aller mouiller près de Caracasbaai. Des noms que ne se prononcent pas comme ils s’écrivent. Nous arrivons en terre hollandaise.




Un chenal de près d’un mile garantit que la houle du large n’entrera pas dans le lagon.




Et les collines couperont l’ardeur du vent.




Un petit mile de slalom entre les bateaux au mouillage ...




... et me voilà ancré au milieu des villas.


Pas ou peu de vent, pas de houle autre que celle des vagues produites par les bateaux à moteur qui n’ont pas de limitation de vitesse et ils vont très vite.



Curaçao est une escale connue et visiblement appréciée des voyageurs plus ou moins sédentarisés.


La taille du ponton pour les annexes n’est pas tout a fait à la hauteur du succès de la baie. En jouant des boudins, tout la monde arrive pourtant à prendre pieds sur la terre ferme.
 


Curaçao est à la Hollande ce que la Martinique est à la France. Ce qui explique que la majorité des bateaux porte les couleurs hollandaises.
En tête du mat d’artimon,




A mi- pataras,



Sur la balancine d’artimon et sur le pavois,





A mi- balancine d’artimon,
Enfin sur une hampe de pavillon. Le Roi Willem-Alexander et la reine Maxima ont visité l’île durant notre séjour. Ils ont dû apprécier la variété des positions (du pavillon bien sûr).
Un accord entre la France et la Hollande permettrait le recyclage des pavillons usagés. Eux ils consomment le rouge, le blanc et le bleu. Nous que le rouge. Quand un pavillon hollandais est usé aux tiers, il peut devenir pavillon français après rotation de 90° dans le sens des aiguilles d’une montre.
 




En ville, confirmation de la tutelle hollandaise : l'Amstel Beer est présente.




L’architecture rappelle aussi la Hollande  …




… avec une tolérance tropicale.


Les permis de construire sont accordés par les autorités sans imposer de crépi couleur « coquille d’œuf » comme dans certaine presqu’île bretonne.



Il faut vraiment être aveugle pour entrer chez le voisin pas inadvertance.



Le Capitaine prend le bus pour la capitale Willemstad. Il y en a un toute les heures ou presque. Et des bancs à l’ombre pour attendre et faire connaissance avec les autres voyageurs.



Tous les jours, un paquebot fait escale à Willemstad.


Les mêmes rues commerçantes, les mêmes commerces et les mêmes marques qu’à San Juan (Puerto Rico), Phillipsburg (Saint Martin), Gustavia (Saint Barth).



L’entrée du lagon de Schottegat traverse la ville. Deux ponts pour relier les deux rives : l'un très haut et fixe …


… l'autre flottant et mobile. Il repose sur quinze coques. Les trimarans sont dépassés (OK, les catamarans encore plus).





Passé le pont, le style des rues change.



Toujours des commerces, mais à la mode caraïbe.


Il a dû y avoir pénurie d’homme célèbre, ou un désaccord au sein du conseil municipal, ou une panne d’imagination pour baptiser une rue ainsi. A moins que la ventilation du climatiseur y soit pour quelque chose.


Le marché flottant : c’est un retour au Venezuela. Toutes ces lanchas arrivent du Venezuela pour vendre sur le quai les produits frais.
Vive les villes avec des canaux : toujours l’influence hollandaise ?


Le nord de Curaçao : changement de décors. Les cactus remplacent les maisons.



Les routes ne connaissent pas les embouteillages.




Une crique et pas un bateau au mouillage.
Le Père Noël passe avec un bon mois d’avance : dans ce paquet, une grand-voile. Elle est parti de Hong-Kong le dimanche à 18h, à transité par Chaiwan et lundi elle est à Memphis aux USA. Le mardi elle arrive à Curaçao et mercredi matin, dédouanement et livraison … ou presque. Il faudra autant de temps pour les deux derniers kilomètres que pour parcourir la moitié du globe. Le livreur a vu que c’était une voile :  Il l’a logiquement déposé chez le voilier qui l’a amené au bar près du dinghy-dock le ... vendredi soir.




CURACAO – CARTAGENA DE INDIAS



Plus rien ne retient le capitaine ni moi-même à Curaçao. Le dimanche 24 novembre au matin, nous sortons du lagon. La passe n’est pas plus large pour entrer que pour sortir. Vous pouvez vérifier.



Avant d’avoir le champ libre devant mes étraves, il nous faut doubler Aruba. Par le nord, par le sud ? Le vent décidera plus tard que c’est par le sud.



Nous tirons des bords vent arrière dans un vent d’Est de force 4. Les dauphins me montrent la route.





Une route entre les pétroliers …



… qui viennent charger et/ou décharger les réservoirs de Curaçao.



Ils sont nombreux et leurs noms ne sont pas transcrit sur le livre de bord pour ne pas le transformer en registre de la Lloyds.


Après quelques empannages, nous passons entre Aruba et la Péninsule de Paraguaná au Venezuela. Sur Aruba, des réservoirs de pétrole …



… et des raffineries. Yves connait déjà : il y a séjourné en 1975. Je n’étais pas né.
A 18 heures, nous n’avons pas fini de doubler Aruba. Les dauphins reviennent nous rendre visite. Le vent se maintient à l’Est et souffle à force 5. Moi, je file vers l’Ouest à 9 nœuds.



A la tombée de la nuit, nous sommes à 7 miles dans le sud-ouest d’Oranjestad, un des ports d’Aruba. Les lumières devant nous : des pétroliers qui attendent pour entrer au port. Le capitaine en compte 13. Un bon chiffre.
Nous allons doubler pendant la nuit la pointe la plus nord de l’Amérique du Sud : Cabo de Vela. C’est, parait-il, un des dix caps les plus ventés au monde. Le Capitaine se souvient de son passage par la pointe la plus sud de ce même continent : Cabo Froward. Le vent y est très fort et très froid. Mieux vaut être ici.



A 5 heures du matin, empannage. Nous sommes passés à 35 miles au nord de Punta Gallinas. Maintenant notre cap est Sud-ouest, dans un vent d’Est de force 4. Au portant, le petit déjeuner se prend presque comme au mouillage




Rencontre dans l’après-midi. Un voilier de chez Amel. Bon rouleur, bon marcheur qu’ils disent. Il est rapidement rattrapé …


… puis distancé. Le vent souffle entre force 5 et 6 tout l’après-midi et tourne régulièrement vers le nord. A 16 heures, le capitaine me fait empanner : nous sommes à 25 miles dans l’Ouest du Cabo de Vela. Il est franchi.
Je fonce maintenant vers l’Ouest sur une route qui nous éloigne de la côte pour la nuit. Mon génaker est roulé : sa bordure commence à s’effilocher.






Au coucher du soleil, je suis très exactement cap à l’Ouest.

Le vent est monté jusqu’à force 7 dans la nuit et j’ai fait des pointes de vitesse à 17 nœuds. La voilure a été réduite pour ménager le sommeil du capitaine. Pas de café chaud ce matin …
… le vent souffle encore un bon force 6 et je chahute de trop sur cette mer formée. De midi à midi, j’ai parcouru 205 miles sur le fond et 185 miles sur la route directe.




Nous n'arriverons pas à Cartagena avant la nuit. A midi, le capitaine décide donc d'une escale derrière Punta Monto Hermoso pour la nuit.


Les documents qui datent de 2005 parlent d’un endroit isolé, quasi désert. Mais des mâts apparaissent derrière une presqu’île qui ne figure pas sur la carte.



La baie n’est plus déserte : il y a une marina …

… et des hôtels. Tout est neuf, voir en construction. Avant 16 heures, je suis mouillé dans l’Enseda Trebal, au calme. Les 445 miles depuis Curaçao ont été faits en 2 jours et 9 heures. La calculatrice dit que j’ai assuré une moyenne de 7,8 nœuds.



Le lendemain matin, je suis toujours mouillé dans la baie, mais plus au milieu. A 2 heures du matin m’a pris une envie de bouger avec l’ancre trainant au fond.

Les garde-côtes étaient là. Ils ne dormaient pas et ils m’ont suivi. Le capitaine s’est réveillé, à allonger la chaine, salué les marins du garde-côte et est retourné dormir.
Elles sont bien surveillées les côtes colombiennes : on ne peut même pas chasser tranquillement pendant la nuit.





Nous repartons le matin même : il reste un peu plus de 50 miles pour Cartagena. La grand-voile est envoyée pour son dernier voyage.




Après avoir fait les premiers miles dans un vent faible de sud-est, il bascule et forcit : nous nous retrouvons au près, avec un force 5 dans le nez.






Puis il faiblit dans le courant de l’après-midi et à 17 heures Cartagena est en vue.



La ville est visiblement bien défendue contre les assaillants venus du large.


Vérification de notre position pour être certain que nous ne sommes pas à l’embouchure de l’Hudson et que  ce n’est pas Manhattan devant mes étraves mais bien le quartier de Boca Grande à Cartagena de Indias.

Le soleil vient de passer sous l’horizon quand je franchis la brèche ménagé dans le mur sous-marin qui barre l’entrée de la rade. Rien ne laisse deviner à la surface de l’eau que le seul passage possible est être ces deux bouées.
C’est original pour un bateau de « faire le mur » !




La suite se passe entre les bouées du chenal : contourner Punta Castillo Grande, puis cap sur le fond la rade.



Et enfin mouiller devant le Club Nautico. La photo a été prise le lendemain matin : il faisait nuit lorsque mon ancre s’est accroché au fond.






Maintenant, à nous la Colombie. Je pense que nous y passerons les fêtes de fin d'année.