ARCHIPEL DES TUAMOTU - 2ème ATOLL : MAKEMO
Mercredi 1er juillet 2015 – 8h30.
Le capitaine présente mes étraves face à la passe d’Arikitamiro pour entrer dans l’atoll de Makemo. C’est l’heure de l’étale d’après ses calculs : je dois quand même remonter un courant de 4 nœuds. Vingt minutes plus tard, nous sommes dans le lagon …
… et à 9 heures, je suis mouillé derrière la digue du port de Puheva. J’ai couvert les 80 miles depuis Raroia sous foc seul à 4.7 nœuds de moyenne.
J’ai fait comme les trains de nuit qui lambinent pour ne pas arriver en gare à 3 heures du matin.
Plan de Puheva. Les deux rues principales du village se coupent à angle droit au niveau de l’église.
Une autre rue fait le tour en longeant la passe puis le bord de mer : c’est le périphérique.
Il y a des voitures mais beaucoup de gens circulent à tricycle. Je les comprends : les distances sont courtes, le terrain est plat, la pluie est rare. Dans le panier à l’arrière, on peut tout transporter, même un passager.
Et puis pour papoter avec la cousine c'est le rêve.
Ici comme à Raroia et comme sans doute dans beaucoup d’atoll des Tuamotu, chaque maison est équipée pour produire son électricité et récupérer l’eau de pluie.
La bière vient de Tahiti : l’autonomie n’est pas totale.
Yves a mis chaussettes, chaussures, chapeau et lunettes de soleil pour marcher une dizaine de kilomètres sur la route qui mène à l’aérodrome.
D’un côté la mer …
… de l’autre côté le lagon. Entre les deux, la végétation et les hommes d’accrochent dans le vent et sous le soleil.
Ici, un bloc de corail s’est déguisé en arbre.
Mais les oiseaux ne sont pas dupes : il n'y a pas de nid.
COUP DE MARA'AMU
Depuis une semaine, les météorologues annoncent un coup de mara’amu. Ce vent devrait souffler de 35 à 40 nœuds du sud sud-est.
Le port est ouvert au sud et la barrière de corail, distante de 5 miles, ne me protégera pas beaucoup.
Le vendredi (nous aurions pu partir le jeudi, mais on ne refait pas l'histoire) à midi, nous partons nous mettre à l’abri sous la pointe ouest du lagon, une navigation de 10 miles dans le lagon.
Ici aussi, il faut veiller aux têtes de corail qui sont nombreuses sur notre route.
A 14h30, le capitaine mouille mon ancre par deux mètres de fond. Nous avons fait route sous genaker poussé par un petit vent d’ouest.
La couleur du ciel confirme les prévisions météo.
Nous sommes 6 voiliers à l’abri au bout du lagon.
Au coucher du soleil, le vent vire à l’Est.
Pendant la nuit, le vent a forci. Dans cette nouvelle position, mon safran bâbord cogne contre une patate de corail. Le capitaine relève l’ancre pour me placer dans une zone plus dégagée.
Au lever du jour, il voit qu’il y a d’autres têtes de corail à proximité. Finalement, il me mouille plus loin par 6 mètres de fond : je suis plus exposé au vent mais j’ai de l’eau claire pour éviter.
Dimanche matin : le capitaine plonge pour démonter mon safran bâbord. Diagnostic : mèche tordue, profil ouvert. Rinçage, séchage, ponçage.
Patrick, celui qui m’avait déjà réparé mon genaker aux Marquises, est mouillé non loin de moi. Il est venu prodiguer aide et conseils au capitaine.
Mon avarie n’empêche pas le capitaine de faire un tour sur le motu.
Il s’enfonce dans la cocoterais ...
… et après trois bonnes minutes de marche, il se retrouve sur le récif, face au Pacifique.
Le motu peut être long, mais il n’est jamais large.
Dans le sens de la longueur, il fait plus de 20 kilomètres. Ces morceaux de corail plats constituent le sentier qui longe le récif. Un jeu de marelle géant !
Le cocotier ne pousse pas tout seul : la main de l’homme intervient pour les planter et les entretenir.
Comme sur l’île de Sein, un petit mur de pierre protège la jeune pousse.
Mais il n’est pas évident de prendre racine dans le corail.
Le 6 juillet, retour à Puheva sur un safran.
Un seul safran suffit pour que j’obéisse à la barre ; il me faut cependant plus de temps pour prendre le nouveau cap. Mon capitaine en tient compte pour slalomer entre les hauts-fonds coralliens.
Amarré au quai cette fois, je suis face au vent, protégé du clapot par le haut fond sur lequel repose l’ouvrage.
Ici, je n’ai pas de fan-club comme à Raroia : les enfants sont occupés ailleurs ?
LE HEIVA
Puheva grouille d’activités.
Tout autour de la salle polyvalente, des cabanes sont installées. Elles sont décorées de feuilles de cocotier, de paréos et de fleurs.
Nous sommes début juillet : c’est le heiva, la fête de juillet.
Normalement, elle dure tout le mois mais pour des raisons budgétaires, la commune de Makemo en a réduit la durée à deux semaines.
La banderole est faite de feuille de cocotier et de fleurs.
En fin de journée, c’est l’inauguration du « Mini Heiva Makemo 2015 ».
Monsieur le Maire fait un discours avant de couper le ruban … fait de fleurs et de feuilles tressées.
Il coupe cette tresse végétale avec deux pierres. Attention aux doigts !
Le Président du heiva conduit la reine vers un va’a.
Ce V1 est bien entendu décoré.
Je ne sais pas comment le chef gaulois montait sur le bouclier, mais ici trois Paumotus costauds lève reine et va’a sans effort apparent.
Maintenant que la tête de cortège est opérationnelle, …
… les 750 habitants de Makemo emboîtent le pas, regroupés par quartier, …
… par club, …
… par association : chacun est membre de quelque chose.
Et c’est parti pour une première semaine consacré aux rencontres sportives. Il y a les sports classiques (volley-ball, pétanque, pêche en mer) et les épreuves typique de Polynésie (course de va’a, lancé de javelot dans un coco placé à 10 mètre de haut, porteur de fruits…).
Des divertissements sont organisés pour tous les âges : jeux pour les enfants, collation pour les anciens.
Moi, ce que j’ai bien vu, ce sont les courses de va’a.
Je suis au cœur de l’action puisque les départs sont donnés le long de mon bordé.
… en V1 senior.
Le port de la couronne de fleurs est obligatoire pour concourir.
Les va’as portent de belles couleurs et parfois une fleur à l’étrave.
Mon capitaine me mettra-t-il un jour une fleur à l’étrave ?
Puis il a les épreuves de V6, va’a avec six équipiers.
Épreuve mixte ... sans respect de parité.
Je compte quatre femmes pour deux hommes par bateau.
Il n’y a pas qu’à l’Assemblée Nationale que la parité n’est pas respectée.
La position des hommes et des femmes dans le va’a est libre.
Mais il y a toujours une femme devant (hasard ?) …
… et le 6ème est toujours un homme (hasard ?).
La stabilité des pirogues à balancier est toute relative.
Les chavirages n’émeuvent pas les équipages. Tous bons nageurs, ils ne sont pas long à remette le va’a à l’endroit et à repartir.
Vainqueur, second ou … dernier : tous ont un sourire éclatant en franchissant la ligne d’arrivée.
14 JUILLET 2015
Ce matin, le capitaine envoie le grand pavois. Il est composé des pavillons des pays que nous avons visités.
Pour la première fois depuis 4 ans, nous sommes en territoire français pour le 14 juillet.
Il y a un défilé en ville sans aucun militaires. Seules les fleurs et la population sont à l’honneur.
Voici la tête du cortège …
… et voici la fin du cortège.
Aucun de public pour le regarder passer : tout le village défile.
Devant la mairie, les hymnes français et polynésien sont chantés. Les drapeaux correspondants sont envoyés.
Discours rapide du maire : ses administrés et électeurs sont en plein soleil …
… il continu son discours à l’ombre, dans la salle polyvalente.
Une collation est offerte pour tous : debout pour les jeunes, assis pour les anciens.
En rentrant à bord, mon capitaine n’a plus faim.
La deuxième semaine du heiva est consacrée à la danse et aux chants (chants d'amour et chant d'humour).
Yves profite de la journée pour se promener à la voile dans le lagon.
Le vent est régulier, la mer calme : un régal pour naviguer avec l'annexe.
Il rentre avant la nuit pour aller voir les danses et écouter les chants.
DES TUAMOTU A TAHITI
Hier soir, c’était la clôture du heiva.
Ce matin à 7 heures, le capitaine entame les manœuvres pour me faire quitter le quai. A 7h30, il m’engage dans la passe. Nous sommes dimanche matin : il n'y a personne.
Bien que ce soit l’heure de la renverse d’après ses calculs, le courant se fait toujours sentir ...
... il m’éjecte vers la haute mer.
En 10 minutes …
… je suis dans les eaux tranquilles du large.
Un vent d’Est Nord-est de 15 nœuds nous accueil. C’est au près bon plein que je remonte la côte Est de l’atoll de Makemo
Je vais me faufiler entre des atolls en essayant de n’en toucher aucun.
Après la pointe nord de Makemo, nous passerons au sud de Katiu et dans le nord de Tuanake, puis entre Fakarava et Faaite.
La route sera ensuite libre jusqu’à Tahiti situé dans l’Est Sud-est
A 15 heures, nous apercevons Katiu à 6 miles dans notre nord.
Il faut être attentif pour voir ces îles au raz de l’eau.
Au coucher du soleil, un vent d’Est à 12 nœuds nous pousse sous genaker.
Empannage à minuit, dans le sud de Raraka. Mon genaker est roulé.
A 4 heures du matin, je suis entre Fakarava et Faaite.
Maintenant, cap directe sur la légendaire île de Tahiti.
Lundi 20 juillet.
Au lever du jour : le vent d’Est souffle entre 18 à 20 nœuds. Ce vent changeant donne de l’exercice au capitaine toute la matinée : à 8 heures, 12 nœuds ; à midi, 20 à 25 nœuds. Le genaker est roulé puis renvoyé, la grand-voile est arisée puis renvoyée … une vie de galérien.
Au point de midi, j’ai fait 152 miles en 24 heures.
Dans l’après-midi, le vent devient plus régulier et se stabilise autour de 20 nœuds
Le soleil va bientôt se coucher et mon genaker jette l’éponge.
Il était de service au portant quand le vent soufflait à moins de 25 nœuds. Autant dire qu’il m’a beaucoup tiré depuis 5 ans.
Mardi 21 juillet
La nuit s’est passé plein vent arrière sous grand-voile arrisée seule. Le vent a soufflé à plus de 20 nœuds.
A 8 heures du matin, il faiblit un peu et je continue sous spi.
A 10 heures, Tahiti est en vue. Les couleurs vives de mon spi sont en harmonie avec les paréos des vahinés (je rêve ?).
Je ne me présenterai pas dans la passe de Papeete en paréo.
A la pointe Vénus, le spi disparaît son sac : un grain qui me coure après et me rattrape.
C’est finalement sous foc seul roulé au 1er point et dans 30 nœuds de vent que je longe la côte nord de Tahiti.
Pas glorieux mais plus sûr.
La côte est couverte de maisons.
Nous allons certainement retrouver le XXIème siècle ici.
15 heures 50, je me présente devant la passe de Papeete. 2 minutes plus tard, je suis dans le lagon.
Les 370 miles depuis Makemo ont été couverts en 2 jours et 8 heures à la moyenne de 6.6 nœuds.
Le capitaine est ravi d’entrer dans cette île mythique, qui alimente les fantasmes des marins du monde entier depuis des générations. A voir …
Nana.
