samedi 8 août 2015

LES MARQUISES DU NORD

UA HUKA



Jeudi 23 avril 2013 - La traversée de Hiva Oa à Ua Huka est rapide. Un vent d’Est de 15 nœuds me pousse au grand largue. Le loch oscille entre 8 et 10 nœuds. Parti à 6h45, je présente mes étraves devant la baie d’Hane à 13h30. La houle entre comme chez elle dans cette baie. Le mouillage est impossible, nous continuons vers la baie de Vaipaee.




Les abords sont agités mais cette baie est profonde. Nous entrons jusqu’au fond …


… et en ressortons aussitôt. Il y a déjà un bateau au mouillage et il n’y a pas la place pour deux dans la zone relativement calme.




Le capitaine décide d’essayer le troisième mouillage, de l’autre côté du cap Tekeho



Un autre catamaran recherche lui aussi cherche un mouillage. Il passe entre la Pointe Tatii et l’Ilot Teuaua : je lui emboite les sillages. 




Etonnant cet Ilot Teuaua : il ressemble à un iceberg tabulaire, sauf la couleur. 


Le catamaran « Family Circus » (cinq enfants à bord) mouille en baie de Haavei. Nous en faisons autant : mon ancre croche sous la Pointe Teaeopiki. La Pointe Tenoni nous protège un peu de la houle, mais le mouillage est tout de même très inconfortable, au point de perturber le sommeil du capitaine.



C’est notre première escale dans le groupe des Marquises du Nord : groupe de quatre îles, dont trois habitées. Nous visiterons les trois.

Dans la nuit, à 0h40, nous appareillions de la baie de Haavei. Quitte à ne pas dormir, Yves a préféré faire route vers Hiva Oa. Nous sommes un vendredi … mais à peine vendredi : il fait nuit, le mauvais œil ne peut pas nous voir. Nous y arrivons au lever du jour, après un parcours vent arrière sous foc seul pour limiter ma vitesse.





HIVA OA





Taiohae, c’est la capitale des Marquises. Il y a beaucoup de bateaux dans la grande baie ; j’en ai toujours compté entre 35 et 50. 



Quelques-uns sont grands, beaux, à une …





… ou deux coques comme « Douce France ».
Et tant qu’à faire d’être grand, on peut pousser le bouchon un peu plus loin …


… et laisser le choix à l’équipage pour aller à terre entre l’eau ou les airs.



Comme Taiohae est la capitale, c’est aussi l’évêché et l’église s’appelle cathédrale. Elle a été construite sur le Mauai, un site sacré des anciens marquisiens, 



Quelques belles résidences complètes le tableau. Il manque les feux rouges et les embouteillages pour faire vraiment capital.
Yves passe par la poste pour voir si sa carte de crédit est en poste restante. Elle n’est pas arrivée … nous repartons pour Ua Pou le dimanche 3 mai. Vent d’Est 25 nœuds : ma voilure est réduite et j’avance à 8 nœuds. 


UA POU






3h45 plus tard, les 28 miles sont derrière mes jupes et nous entrons dans le port de Hakahau. Une digue protège un quai, le quai me protège : enfin un peu de calme au mouillage ce qui est rare aux Marquises.


Le capitaine me met une ancre à l’arrière : l’espace d’évitage est restreint et parfois nous sommes 4 à 5 voiliers. Derrière mon mat, les pics (les necks) avec le Mont Oave  qui culmine à 1233 mètres.


Nous sommes Dimanche : des familles sont venues profiter de la plage : mer et soleil pour les enfants, ombre et glacière pour les parents.


Surprise le lendemain, l’Aranui 3 entre dans le port. Ça me fait plaisir de retrouver une étrave connue. Moi-même et les autres voiliers sommes serrés près de la plage : il a besoin de place pour sa manœuvre d’accostage avec ses 117 mètres de long et ses 3800 tonnes de déplacement. Il impose le respect. 


A Hakahau, le débarquement des passagers et le déchargement des marchandises se fait à quai. Pour le plus grand plaisir des enfants de la vallée. Ils ont trouvé un jeu.




Lentement mais surement, l’Aranui tend puis relâche ses aussières au grès de la houle.
Quand le bateau s’écarte du quai, les jeunes prennent l’amarre et montent avec elle.



Un vieux proverbe celte dit : « Mieux vaut être à cheval que pendu ». C’est toujours vrai 
Les mouvements scélérats de l’aussière font peu à peu tomber la jeunesse comme des pamplemousses : c’est un bon entrainement pour le rodéo. Voici les trois vainqueurs. Deux minutes plus tard, le jeu reprend : Aranui aime jouer avec les enfants.




En fin de journée, l’Aranui me salue d’un coup de sirène et part pour une autre île. Attachante cette goélette. Des pirogues polynésiennes, vaa en Polynésien (c’est plus court à écrire et plus jolie que « PP ») profitent se son sillage pour s’entrainer dans les vagues.



Hakahau est la capitale d’Ua Pou. Sa vallée, large et profonde, est envahie par les maisons …


… mais il reste beaucoup de place pour la verdure. Entre deux habitations, il y a  des arbres fruitiers, des cocotiers, des arbres à pain ou des plantes décoratives. Comme partout aux Marquises, le terrain est impeccablement entretenu malgré la rapidité à laquelle l’herbe pousse.


Yves est parti découvrir l’île à pieds. Je vois bien la route qui serpente au-dessus du port. Il marche quelques minutes, une voiture s’arrête, lui propose de monter. Il est très impoli de refuser. 




En direction du nord, il découvre un paysage pelé, domaine des chèvres et des chevaux.



La mer est présente à chaque détour du chemin.



Marée basse : les baies offrent des raccourcis.


Ua Pou a son aéroport : la piste commence au ras de la mer. Je la verrai dans quelques jours lorsque nous croiserons devant. L’avion fait escale deux fois par semaine … si le vent le permet.



Derrière le quai la plage est sans vague et vierge de tout caillou. Le capitaine me met au sec le temps d’une marée pour refaire les joints des panneaux de survie : ils avaient de petites fuites depuis l’Equateur. 



Quand la marée remonte, j’ai mon fan-club.




Avec l’autorisation du capitaine, ils montent à mon bord pour un événement important : …


… la course de vaa. Elle dure trois jours. Des sportifs de diverses îles de Polynésie ont fait le déplacement. A terre, des tentes sont dressées pour l’accueil des visiteurs : rencontres de volley et de pétanque, repas, concerts. 



Les courses de vaa se déroulent au large, hors de la vue des supporters. Mon fan-club reste à bord en attendant le retour des pirogues.



Les pics sont visibles ce matin : une belle journée en perspective.  Les chaussures de marche du capitaine sortent de l’équipet, …



… et il part en direction de Hakamoui, la vallée des Rois


Il n’utilise ses chaussures que pour la descente vers la mer : il a fait la montée par la route en voiture. Les Marquisiens ne supportent pas de voir un homme marcher sous le soleil, surtout si il a les cheveux blancs. 


La Vallée des Rois abritait une population importante. Aujourd’hui, la plupart des paepae, plateformes de pierre qui supportait les maisons en bois, sont abandonnées. Reste les légendes, notamment celle du cochon.


Deux semaines que nous sommes à Hakahau. Nous partons pour un autre port en passant par la pointe Hatukoemo au nord de Ua Pou.


Je m’aligne sur la piste au risque de me faire dégommer ma girouette. Je n’ai pas l’autorisation de la tour de contrôle d’emprunter la piste. 
De toute façon, un catamaran sur le tarmac ça fait désordre. 


A l'heure du déjeuner, le capitaine se vote une escale dans le baie de Aneou, dite baie des Requins. 
Pas un seul n’apparait autour de mes dérives : nous apprendrons ensuite qu’ils sont absents en cette saison.



Seuls habitantes : les chèvres. Elles ne laissent aucune chance au moindre brin d’herbe qui tente de pousser. 


A 14 heures, je suis mouillé en baie de Hakahetau, devant la vallée du même nom. C’est l’ancienne capitale de Ua Pou.




Les pics sont toujours visible, comme de partout sur l’île.



Le retour de pêche se fait sur la plage de galet. La pirogue a toujours son balancier, mais le moteur hors-bord remplace la pagaie sur celle-ci.




Débarquement de la pêche de Papa.


Comment l’Aranui 3 a-t-il fait pour me dénicher dans de petit port ? Je ne le saurai jamais mais je suis heureux de le retrouver.
Il envoie une chaloupe à terre pour débarquer des marchandises et charger des fruits et du copra. Pas de grue ni de chariot élévateur à Hakahetau : les hommes de la vallée viennent faire la chaine.






Le passage de la goélette est un événement : les femmes se font belles …


… et montent un marché artisanal dans la salle de la chefferie : colliers de coquillage, chapeaux, sculptures.  
Ces trois-là s’essaient à la vente sur le muret de l’autre côté de la rue.


Je regarde le soleil se coucher en compagnie d’Aranui. Nous sommes seuls au monde, ou tout au moins au mouillage. Grand moment de romantisme.
Quand le jour se lève, il n’est plus là. Il est reparti vers d’autres îles.



Le capitaine se laisse attirer par la montagne. Il part pour la vallée voisine : Haakuti.




Le calme de la rue du village n’est qu’apparence…



… le maire de Ua Pou (en tee-shirt jaune) est en visite sur le chantier du cimetière de Haakuti : jeunes et vieux viennent le voir !



Retour sur Hakahetau : Yves découvre du haut de la colline que trois voiliers sont venus mouiller près de moi …



… et tous sont des catamarans, plus ou moins grands, avec ou sans dérives. Je me sens entre cousins.


Lundi 26 mai, nous quittons Ua Pou pour retourner à Hiva Oa. Le vent d’Est me prend par le travers. Quatre heures plus tard, les 28 miles sont derrière. Mais à mi-chemin entre les deux îles … 
Je n’en crois pas mes hublots : l’Aranui 3 croise ma route. 
Même pas un coup de sirène : le goujat ! Quand on est en voyage, mieux vaut avoir des sentiments Téfal. 









NUKU HIVA – 2ème visite




Visite à la poste de Taiohae : la carte de crédit du capitaine est toujours entre La Grande Motte et Nuku Hiva. Nous avons donc le temps de visiter les autres baies : cap sur la baie des Contrôleurs, dans l’Ouest de l’île.



Dans cette grande baie, il y a trois anses praticables.




Passage par l’Anse Hakapaa. Elle est très calme mais trop déserte pour mon capitaine.



Il me mouille en baie de Hakahaa, face à la vallée de Taipivai. A sept miles seulement de Taiohae et nous sommes presque seul.




Une journée de pluie qui se prépare : le capitaine reste à bord. Le lendemain, l’eau de la baie prend la couleur de l’Amazone.


La houle déferle sur la plage. Pour débarquer, le capitaine passe la barre d’une rivière sur le gauche de la plage puis continue sa route fluviale sur un demi-mile. Là un petit quai accueille l’annexe : il est au village.



Comme toujours aux Marquises, les bas-côtés de la rue sont impeccablement entretenus.




Les voies carrossables sont rares dans la vallée : le cheval est toujours le moyen de locomotion le plus pratique.




Yves remonte la vallée sur plusieurs kilomètres, vers les points de captage des turbines qui fournissent l’électricité. Verdure, verdure, verdure.



Sous un avocatier, ce paepae sans maison rappelle que la vallée fut jadis très peuplée. Aujourd’hui, la nature reprend son territoire.



En fin de semaine, nous poursuivons notre tour de Nuku Hiva. A la sortie de la Baie des Contrôleurs, nous doublons le Cap Martin ou Cap Tikapo. Je longe ensuite la côte Est de l’île au vent de travers.



A la Pointe Matauaoa, empannage pour mettre le cap vers le Motu Poiku puis le Motu Arahi.



A 13h30, je pointe mes étraves dans la baie d’Anaho. Cette baie est réputée pour être la plus calme des Marquises. C’est vrai : la houle est tenue en respect par les caps qui forment une chicane. Le capitaine est satisfait : il va pouvoir remplir son bol de café au lait à ras bord.




C’est calme et c’est beau : plage de sable fin et cocotiers. La carte postale.


Une maison construite comme toutes les maisons il y a quelques décennies. Faire venir du ciment et des parpaings à Anaho n’est pas simple. Aucune route ne relie la vallée au reste de l’île.
La liaison terrestre vers Hatiheu se fait par un chemin praticable à pieds ou à cheval.
Chemin que la pluie le transforme en ruisseau. 


Cette pluie a fait rebrousser chemin au capitaine, parti visiter Hatiheu par la terre. Il a fait du ski sur boue dans la descente.



Comme il se doit même dans la plus petite des vallées, Anaho a son église …



… d’une beauté simple. Les pratiquants remarqueront qu’il n’y a pas de mobilier, que ce soit pour s’asseoir ou pour s’agenouiller.


A trois kilomètres d’Anaho, la plage de Haatuatua, accessible elle aussi uniquement à pieds ou à cheval. Réglementation française, une pancarte « Baignade non surveiller » met en garde les crabes et le vent.



Nous avons viré les Pointes de Teohootemako et Temoe pour rejoindre Hatiheu.



Une immense baie pour moi : je suis le petit point blanc au fond.



L’église a deux clochers : la vallée est importante. Hatiheu fut le site préféré de Robert-Louis Stevenson « Dans les Mers du Sud ».




La poste : elle est peinte comme un colis postal.



Toujours au chapitre de la peinture, il faut regarder la statue de la Vierge Marie à 300 mètres au-dessus de ma tête de mat. Des chrétiens, jeunes et sportifs, montent régulièrement lui passer un peu de blanc sur sa robe.



Retour à Taiohae le 8 juin par la même route qu’à l’aller. La carte de crédit est arrivée à la poste : un mois de voyage dans des sacs postaux et elle est comme neuve avec sa puce en or.




Il nous reste un mouillage à visiter pour bien connaître Nuku Hiva : l’Anse d’Hakatea près de la vallée de Hakaui.




Dans cette baie, toute la flotte allemande du Pacifique a mouillé en 1917. Il y a peu d’espace : il est certain que tous ces bateaux étaient très disciplinés pour ne pas se mélanger les chaînes d’ancre.



Au revoir Nuku Hiva : retour sur Ua Pou le jeudi 11 juin.










                                                       UA POU – 2ème visite





Traversée encore une fois rapide jusqu’à Hakahau. Le capitaine écourte l’escale : le vent est fort, la houle entre dans le port … et il y a beaucoup de bateau. 




Changement de coté de l’île et me voilà de nouveau à Hakahetau, dans une baie calme. Il aurait été étonnant que la houle soit présente des deux côté de l’île.


Il y a de la place pour que chaque voilier évite dans le sens qu’il préfère. 
J’occupe le meilleur coin, près du quai : le capitaine fait ses va et vient à terre à la rame.



Mon genaker est débarqué et étalé dans la salle de la chefferie. Patrick, de Tauha, était maître-voilier. Il intervient à grand coup de « grey tape » pour une opération de la dernière chance. Il annonce son diagnostic à Yves : les miles de cette voile sont comptés. Nous allons essayer de la ménager.



Le capitaine rend visite à ses amis de la vallée. Le bord se rempli de pamplemousses, citrons, mei, et beaucoup d’autres fruits ou légumes dont je n’ai pas mémorisé le nom.



Samedi 20 juin. Nous quittons Hakahetau pour Hakatao au sud de Ua Pou. Le vent et la houle en décident autrement : le mouillage n’est pas tenable. Nous partons donc vers les Tuamotu plus tôt que prévu. 











Trois mois d'escales aux Marquises, îles bénies par les dieux et oubliées par la fureur moderne. Les Marquisiens gardent leur style de vie, plus proche de la terre et de la mer que de l’argent, plus enclin à aller vers les gens que vers le téléphone.




                    Nana