lundi 21 septembre 2015

TUAMOTU : l'atoll de RAROIA

DES MARQUISES AUX TUAMOTU


20 juin 2015, 10h30 : les Marquises d’enfoncent sous l’horizon. 

Dans l’épisode précédent, je vous avais dit que le mouillage visé par le capitaine n’était pas tenable ; il a pris la décision de prendre le large. 
Le vent est bon, profitons-en. 


Nous nous éloignons d’un archipel de 8 îles. En 3 mois, le cerveau du capitaine a réussi à mémoriser le nom de chacune d’entre elle : pour lui c’est un exploit. 

Au bout de ma route, nous entrerons …
… dans l’archipel des Tuamotu : là les îles sont des atolls, les atolls sont composés de motus (qui en fait sont des îles). En regardant la carte, j’ai l’impression de voir la voie lactée. OK, je suis du midi et j’ai tendance à exagérer mais quand même : 76 atolls, ça vous pose un archipel, non ? 

Pour commencer, le capitaine vise l’atoll de Raroia.



Après une journée au largue sous grand-voile à deux ris et foc, dans un vent estimé 15 nœuds (l’anémomètre ne tourne plus), le 2ème ris est libéré vers 18 heures


21 juin - J’ai passé la nuit sous un ciel étoilée dans un vent adonnant et faiblissant. 
Au matin, le vent refuse, des grains se succèdent. 
A l’heure de la méridienne, je suis au près.
Entre les deux méridiennes, j’ai couvert 155 miles : bien pour une reprise.
Les grains se sont succédé tout l’après-midi. Le capitaine a réduit puis rétablit ma voilure et j’ai poursuivi ma route entre 8 et 10 nœuds, toujours au largue.


22 juin – Aujourd’hui, le capitaine a 64 ans. Cheveux blancs, rides : rien de plus normal ! 

Nous sommes passés cette nuit à 15 miles dans le nord-est de Tepoto Nord : cela marque notre entrée dans l'archipel des Tuamotu. 
187 miles de méridienne à méridienne : je fonce pour présenter mes étraves à la passe de Raroia avant la nuit.

Le soleil se couche et nous sommes par le travers de Takume et à 15 miles de la passe de Raroia. Nous ne pourrons pas y être avant la nuit. Il va falloir faire des ronds au large toute la nuit : prendre une passe inconnue de nuit, c’est prendre de gros risques, même avec la lune. J’espère que mon capitaine ne va pas tenter …
Ben si il l’a fait. 64 ans n'est pas encore l'âge de raison. 
21 heures, les voiles sont affalées et 15 minutes plus tard il m’engage dans la passe de Ngarue. Le bouillonnement de l’eau autour de moi provoque des décharges d’adrénaline. Il n’y a plus qu’à espérer que la carte soit juste et que le GPS soit bien calé. Un nuage voile la lune et le motu de Tenukuhaupapatea n’est plus visible. Nous évitons le banc de Teharato. 
21h30 : la passe est franchie. Un demi-mile plus loin, mon ancre tombe entre les hauts-fonds d’Otikaia et de Paihuki. Tout c’est bien passé mais il m’a promis de ne plus jamais jouer à la roulette russe avec moi.



RAROIA





Après le petit déjeuner, c’est aux moteurs que je fais route dans le chenal en direction du village. 
Nous longeons les motus sur 3 miles …




… et Ngarumaoa, 120 habitants, apparaît dans les étraves.




Je suis mouillé face à la plage par 7 mètres de fond. L’ancre est visible depuis le pont ; la chaîne passe pour l’instant entre les patates de corail.



Depuis ma tête de mat, après le hangar du port, on ne voit que les premières maisons. Les autres sont cachées par les cocotiers.




La rue principale, coté lagon ...





... doublée d’une seconde rue parallèle coté océan. Au bout, l’aéroport.




Une rue perpendiculaire les relie. Voilà pour le plan de Ngarumaoa. 
Difficile de se perdre.


J’ai compté quatre voitures et deux véhicules utilitaires : ça laisse la voie libre à la toute la jeunesse pour transformer la rue en terrain de jeux.


Chaque maison est autonome comme un bateau : panneaux solaires pour l’électricité, récupération de l’eau de pluie par les gouttières. 
Rien ne se perd sur les atolls.




Ce bâtiment cumul les fonctions de mairie et d’abri de survie en cas de cyclone.


Quand nous sommes arrivées, nous étions deux bateaux sur rade. 
Aujourd’hui nous sommes six et la goélette nous rejoint au mouillage. Ce n’est pas le blanc Aranui qui passe ici, mais le rouge Taporo.


Avec calme et méthode, les transbordements se préparent. Tractopelle, chariot élévateur et tracteur sont positionnés sur le quai. 



Il n’y a pas de houle dans le lagon : la barge accoste au bout du quai et le transbordement s’effectue dans le calme.
La nuit dernière, un fort vent de nord-est a levé du clapot. Ma chaîne ayant amoureusement enlacé quelques patates de corail, les rappels sont violents, au point de casser les chaumards. 
Après le départ de la goélette, le quai est désert. 
Mon capitaine a demandé au maire l’autorisation de m'y amarrer. Des vacances pour l'ancre et la chaîne.




Le port qui est plutôt destiné aux Mararas qu’à moi mais nous faisons bon ménage



Etre à quai, c’est devenir une attraction. 
Les vacances scolaires ont commencé avant-hier et pour les enfants, tout est prétexte à divertissement.



Me voilà envahit avec la permission du capitaine. Tous mes coins et recoins sont explorés avec minutie et Yves doit répondre à plusieurs questions par minute.



Il y a juste un peu de bousculade pour savoir qui aura le privilège d'occuper les sièges de barre.
Les jeux s’organisent autour de la table du carré. Yves mettra son veto pour jouer au gendarme et au voleur : ça courrait et criait dans tous les sens.





Ils ont emmené le capitaine visiter leur « cabane » : en fait, c’est un gros bloc de corail incrusté de coquillages (les points blancs). Il n'est accessible qu'à marée basse.
Le quai s’anime. Des Marmaras déchargent des sacs de nacres. Une goélette doit passer dans quelques jours. Je vais devenir gênant. 





Nous partons traverser le lagon d’Ouest en Est. 
Navigation à vue en milieu de journée : le lagon n’est pas cartographié.



Pas question de manger et encore moins de dormir : le capitaine veille en permanence pour m’éviter les hauts-fonds coralliens.



Il y a une centaine de motus tout autour du lagon de Raroia. Celui-ci héberge un couple de cocotiers.




Une heure et demi plus tard (le lagon fait 6 miles de large), nous approchons du motu Tahuna Maru.


Le capitaine décide de mouiller mon ancre juste devant. 
Je ne comprends pas encore pourquoi il a choisi ce motu désert.





Il file à terre en annexe …


… pour regarder la barrière de corail de l’autre côté du motu. 
Il avait bien une idée en tête : regarder le point atterrissage du célèbre Kon-Tiki. 
Les neuf troncs de balsa du radeau ont bien sûr disparu ! Il faut aller a Oslo pour en voir une copie.


C’est ici que Thor Heyerdahl et ses équipiers touchèrent terre le 7 aout 1947 après 101 jours de mer. Une stèle (un monument disent les habitants de Ngarumaoa) confirme que nous sommes au bon endroit.



Le livre « L’expédition du Kon-Tiki », traduit dans plus de 50 langues, a été deuxième au hit-parade des publications, juste après la bible. Ca vaut bien une plaque commémorative.



Le motu célèbre malgré lui n’a pas pris la grosse tête. Les habitants sont toujours des oiseaux et ils survolent les cocotiers sans craindre les paparazzis.



Le soleil se couche.
Le motu du Kon-Tiki et la lune me regardent.




Moi aussi, je les regarde (d’un œil). Nous passons la nuit à nous regarder.


Le lendemain, quand le soleil au zénith, nous traversons de nouveau lagon en direction de la passe de Ngarue. 
Le capitaine me fait suivre la même trace qu’à l’aller : les patates de corail que je respecte défilent de chaque côté de mes coques.






DE RAROIA A MAKEMO





A 14 heures, nous franchissons la passe ... de jour cette fois-ci.



Un vent d’Est à 15 nœuds nous pousse sous le vent de Raroia, puis nous mettons le cap sur Makemo qui se trouve à 75 miles dans le sud-ouest.


Le capitaine m’a mis sous foc seul : j’avance à 4 nœuds. 
A cette petite vitesse, nous arriverons de jour devant la passe d’Arikitamiro.


A minuit, après être passé entre les atolls de Taenga et de Nihiru, le capitaine me fait empanner. 
Au lever du soleil, le clocher de Makemo est visible juste devant. Le vent est resté contant en force en direction toute la nuit.









Nana *


















* Ici aussi ça veut dire "Au revoir". ndtr