Une route de 1500 miles où les vents portants n’ont pas toujours été au rendez-vous.
Le mercredi 21 mars, nous quittons Koh Samui .
Nous
voulons rejoindre Bali, en Indonésie, avec une escale en Malaisie.
Il s’agit
d’être dans le détroit de Karimata, au sud de Bornéo, avant la renverse de la
mousson.
La date limite, d’après les statistiques, est le 30 mars.
Nous
aurions dû partir dès lundi pour bénéficier d’un vent favorable jusqu’au sud de
la Thaïlande mais le capitaine a été long à faire ses adieux.
Je suis au
près, appuyé par un moteur, dans un vent d’Est de 5 nœuds.
Puis le vent monte à
8 nœuds et le moteur est coupé.
Sans surprise,
les bateaux de pêche sont sur notre route.
Jeudi 22 mars
Le vent continue de fraichir pendant la nuit. A 1 heure du matin, le
premier ris est pris.
Le
vent souffle maintenant à 15 nœuds en plein sur notre route.
A 11 heures, le
capitaine décide d’une escale : tirer des bords dans ces conditions n’est
plus de mon âge.
C’est
au débridé que je fonce vers Pattani, le seul abri sur notre route.
Les
bateaux de pêche ont la même idée : il faut savoir saluer les grains.
Nous
sommes en rade de Pattani à 18 heures, juste avant la nuit.
Le vent souffle
maintenant à plus de 20 nœuds. L’ancre ne croche pas : c’est la première
fois qu’elle me fait ça ! La deuxième tentative est la bonne.
Un navire de
la marine royale de Thaïlande vit le même échec que nous : cela console un
peu.
PATTANI
Le
lendemain le coup de vent de confirme : l'anémomètre passe les 25 nœuds et nous sommes à l’abri.
Le capitaine reste à bord : la clearance ne prévoit pas d'escale.
Et les autorités sont très présentent dans cette partie sud de Thaïlande qui a des soubresauts insurrectionnels.
La baie Ao Bang Pu devant Pattani est vaste, peu profonde et visiblement poissonneuse.
Ces
petits bateaux locaux ont des étraves superbes.
Autour
de moi il y a toujours deux petits remorqueurs en attente.
Ils
sont protégés comme un sparring-partner.
Les
petits remorqueurs travaillent, travaillent, travaillent toute la journée.
Après
une petite bousculade bien compréhensible avec la proximité du port ...
…
c’est un véritable chapelet de bateaux qu’ils prennent en remorque.
Lundi
26 mars.
Cela fait trois jours que le capitaine attend que le vent ce calme. L'odeur du
pain grillé avant le lever du jour est une odeur de départ.
A
6h30, les moteurs sont en marche et l’ancre est sur la poutre.
DE PATTINI A PULAU TIOMAN
Nous
quittons rapidement la rade de Pattani : le lundi matin, l’usine à poisson
reprend son activité et l’odeur n’a rien de commun avec le jasmin.
Ce pêcheur reçoit le dernier au revoir à la Thaïlande.
Le
vent est maniable mais soutenu. Après avoir doublé la pointe Laem Ta Chi et
nous être éloigné des zones de la petite pêche aux moteurs, nous avançons au
près serré mais sur la route.
Les
chalutiers poursuivent le ratissage de la mer, en couple parfois.
A la
tombée du jour, toujours au près, nous sommes par le travers de la frontière
Thaïlando-Malésienne.
Mardi
27 mars.
Le soleil se lève dans mes étraves : nous faisons toujours de
l’Est.
Les bateaux de pêche nous ont laissé en paix cette nuit. Nous naviguions
entre la Thaïlande et la Malaisie, dans le No Boat’s Sea, un équivalent marin du
No Man’s Land.
Le
moteur bâbord tombe en panne : le gasoil n’arrive plus. Nous sommes pourtant en
pleine zone pétrolière mais cela n’a aucun lien.
Le capitaine nettoie le
préfiltre, change le filtre : le moteur poursuit sa grève. La pompe à vélo
est connectée au circuit de gasoil coté moteur : l’effet de chasse porte ses fruits
et la grève à gauche est terminée.
Le
trafic maritime est toujours intense : les grands navires marchands s’y
ajoutent maintenant : nous approchons de Singapour. Nous avons fait route
à l’Est pour attraper la bascule du vent qui se cantonne à plus de 50 miles au
large de la côte.
Un peu après midi, le capitaine me met cap Sud-est ; je
file vent de travers dans un vent de 8 à 10 nœuds.
Enfin! Je ne fais plus de
près.
Mercredi
28 mars.
Toute la nuit, le vent est régulier, de nord-est à 8 nœuds ; les
bateaux de pêche sont moins nombreux.
Le capitaine apprécie cette nuit sans
manœuvre.
Le
génaker est à poste dès l’aurore. Nous sommes à 90 miles de Pulau Tioman :
ce serait bien d’y être avant la nuit. Mais le pari n'est pas gagné.
Grand-voile
débordée et bridée, pilote intelligent à la barre : tout est fait pour
optimiser ma vitesse.
Au
point de midi, le loch annonce 160 miles en 24 heures. Les distances
précédentes sur 24 heures étaient entre 110 et 120 miles. Ça sent le mouillage.
Nous
sommes à Pulau Tioman. Il est 22 heures 10 exactement.
L’approche finale est
prudente : les cartes ne donnent pas de détail, l’éclairage de la lune
peut-être trompeur. Quand le sondeur indique des fonds de 20 mètres, le
capitaine mouille l’ancre : la plage semble très proche.
PULAU TIOMAN
Au lever du jour, nous voyons bien la plage : elle est toute proche.
Nous pourrions voir les gens étendus sur leur serviette ...
… mais
la plage est déserte.
Le visiteur vient ici pour la plongée sous-marine et non pour la bronzette.
Face à
moi, il y a la piste de l’aéroport : je n’y verrai aucun avion durant
notre escale
Le
calme règne en maitre sur cette île …
… même
si il arrive parfois que deux voitures se croisent dans la rue principale.
Les
formalités d’entrée sont faites en une heure : toutes les administrations
sont dans le même bâtiment, au-dessus de la plage.
Les
fichiers GRIB montrent que la mousson en entrain de s’inverser en mer de Java.
On nous parle de dérèglement climatique, mais la
mousson qui bascule à la date prévue.
Cela ne fait pas nos affaires. Les
journées passée à trainasser à Koh Samui se paient cash.
Il n’y a plus de temps
à perdre : le capitaine fait l’approvisionnement en vivres et les
formalités de sortie.
Samedi
31 mars
7 heures du matin : je laisse la plage de Tekek dans mon sillage.
DE PULAU TIOMAN A BALI
Nous
sommes sous le vent de Pulau Tioman et bien à l'abri du vent.
Nous nous dégageons au moteur.
La
pointe Duata est doublée une heure plus tard.
C'est sous voile, au grand-largue dans un vent de Nord-est
soufflant à 10 nœuds que nous doublons l’île de Pemanggil.
A midi nous sommes par
le travers de l’île de Pinang.
Le capitaine profite de la proximité de ces îles
pour écouler son forfait Internet en communiquant des informations sans
importance à travers la terre : c’est beau la technologie.
Les
bateaux de pêche ne nous lâchent pas.
Comme ils sont non-manœuvrant avec
leur chalut, nous devons nous dérouter...
.. en
prenant garde de ne pas être pris au filet.
Un
couple est passé ; attention au suivant.
Singapour
est à moins de 50 miles. Les navires convergent …
…ou
divergent de ce pôle mondial du commerce maritime.
Mon radar veille sur ces
monstres qui lui renvoient un signal fort.
A l’heure de la sieste, le capitaine
est réveillé par un appel VHF. Il sort au moment où nous passons à moins de 2
mètres d’un bateau de pêche, tout en bois et sans superstructure
métallique : il pratique la pêche à la ligne pour les touristes.
C’est la
limite du radar.
Nuit
agréable aux allures portantes avec la pleine lune comme projecteur permanent.
Dimanche
1er avril
Le vent reste stable en force et en direction.
La route
des cargos semble dépassée et nous naviguons dans une zone où la pêche au chalut
est interdite.
Le génaker
est à poste depuis hier : une navigation comme dans les livres. De midi à
midi, j’ai fait 172 miles sans heurt. Le capitaine passe la matinée à faire du
matelotage sur les bouts du tangon qui est maintenant prêt à reprendre du
service.
16h28 :
la ligne imaginaire de l’équateur est coupée pour la 5ème fois.
Ce
n’est pas un poisson d’avril.
Nous
l’avons coupé à mi-chemin entre Bornéo et Sumatra : des noms bien en rapports
avec l’équateur.
Lundi
2 avril
Nous approchons du détroit de Karamita et le trafic maritime est
intense : le radar indique jusqu’à 8 navires dans un rayon de 8 miles.
Les tranches de sommeil du capitaine sont coupées menues
Le
vent nous permet de naviguer jour et nuit sous génaker et grand-voile
haute.
Ce matin, l'anémomètre indique 10 nœuds de vent.
A 8
heures le spi est envoyé. Il y a longtemps qu’il n’avait pas vu le soleil.
Cela
me permet une vitesse d’un peu plus de 5 nœuds avec un angle près du vent-arrière pour
tenir le bon cap.
Une
fois le spi établi, le capitaine se met à la lessive : nous sommes
lundi ... et la laverie la plus proche est à plus de 200 km.
Nous
croisons la route de petites embarcations qui font la liaison entre Bornéo et
les autres îles d’Indonésie : des voyages de 200 miles au minimum !
De
midi à midi j'ai couvert 152 miles.
Au
coucher du soleil, le génaker remplace le spi pour la nuit. Puis il faut
lofer un peu pour éviter le danger des roches de Flying Fick : nous
passons à 5 miles des îlots Pesemut, Yustina et Argus.
Mardi 3 avril
A 2 heures du matin, nous entrons dans le détroit de Karamita. Il y a du
trafic marchand et quelques bateaux de pêche. Le vent tombe : moteur. Puis
à 4 heures du matin, il revient à 6 nœuds du Nord-nord-ouest : empannage
et mis à poste le génaker sur l’étrave.
A 6 heures, le vent refuse et le
génaker est amuré sur le tangon.
Matinée
pain maison : le boulanger est, comme la laverie, à plus de 200 miles.
Je file à une vitesse honorable pour le peu de vent que l’on
me donne …
… 5.5
nœuds de vitesse pour un vent de 7.5 nœuds : je suis à la hauteur.
Ce qui
fait qu’à midi, j’affiche 126 miles en 24 heures par ces vents faibles.
Dans
l’après-midi, le ciel s’assombrit et des grains arrivent sur nous.
Ils
sont salués comme il se doit : le capitaine s’équipe d’un superbe ciré à 1
euro acquis en Thaïlande.
Moi,
je me contente du foc en voile d’avant et d’un ris dans la grand-voile
En fin
de journée, le calme revient, le vent se stabilise Ouest Sud-Ouest entre 6 et 8
nœuds.
Nous sortons du détroit de Karimata et entrons en mer de Java.
Au
cours de la nuit, nous doublons les hauts fonds de Gosong Aruba et Gosong
Aling. Des flottilles de pêche nous entourent. L’éclairage ne manque pas :
on se croirait face à la baie de La Baule.
Le capitaine me fait passer
dans les zones où les lucioles sont moins denses. Cela lui offre des
tranches de sommeil plus épaisses.
Mercredi
4 avril.
Au lever du jour, les lucioles se concrétisent.
Ce
sont de respectables navires …
…
mener par des équipages nombreux et sympathiques.
Le
vent de 5 à 6 nœuds du Sud-Ouest me permet de progresser à la voile. Les
bateaux de pêche se sont évaporés. A midi, je suis par 4° 44’ sud : c’est
beau pour un 4 avril ; le loch affiche 136 miles depuis hier midi.
Le
vent commence sa rotation vers sud dans l’après-midi.
L’allure est trop serrée
pour le génaker : le foc prend le service.
Le
trafic maritime est faible ce soir, toutes les marines confondues.
Pourvu que
çà dure toute la nuit !
Jeudi 5 avril
Le vent ne passe pas les 4 nœuds en première partie de nuit.
Puis il
s’établit Sud-Sud est à 7 nœuds : je suis au près serré, appuyé par un
moteur.
Le
vent vient maintenant de là où nous allons. Le ciel se couvre. La journée
s’annonce plus sportive que plaisance.
Tout
l’après-midi, le vent fait perdre la tête à la girouette-anémomètre.
Succession de changements de cap, de navigation à la voile ou au moteur.
La
route tracée sur la carte ressemble à celle du bateau ivre.
Au
coucher du soleil, le vent semble se stabiliser au Sud-Est. Nous sommes bien
dans le nord de notre route.
1 heure du matin, après un virement de bord,
nous faisons une route directe sur le détroit de Raas.
Vendredi
6 avril
Le jour se lève à 4h30 ce matin.
Les
horloges du bord vont être avancées d’une heure pour être en phase avec le soleil.
Navigation au près serré dans
du vent de Sud-Est : ç'est certain maintenant, la mousson a basculé.
Un
catamaran n’empêche pas de faire du pain à l’allure du près.
Aujourd’hui, le
capitaine s’est fait 16 croutons : 4 par pain.
Le
vent s’oriente Est dans l’après-midi.
Les côtes de l’île de Java sont
proches et cette grande île à quelques influences sur Eole.
A 20
heures, nous entrons dans le détroit de Raas, entre l’île éponyme et l’île de
Sapudi.
Samedi
7 avril.
A minuit, nous sortons du détroit. Le vent disparaît, le capitaine
part dormir.
Je reste seul, voiles pendantes, le radar en veille.
Au
matin, un moteur me permet de recommencer à faire des sillages sur la mer.
L’île
de Java est maintenant visible maintenant.
Nous longeons l’extrémité Est de cette île longue de plus de 1000 km.
Les
premiers signent de bienvenue indonésiens nous sont donnés par ses pêcheurs.
A
midi, le détroit de Bali est visible devant mes étraves.
Le vent souffle très
faiblement : nous sommes sur propulsion mécanique.
A
13h30, le passage est embouqué.
Nous croisons des embarcations avec deux
flotteurs, similaires à ceux vus aux Philippines.
Le
trafic est perpendiculaire à notre route : tous ces bateaux font un pont
naviguant entre Java et Bali.
Pour
le passage des voitures et des camions, il y a une flotte importante de
ferries. Ils se croisent puis …
… font
la queue pour accéder aux quais de la gare maritime qui semblent saturés.
Première
image de Bali : Bouddha est plus petit que les pilonnes de
télécommunication et les pilonnes d’électricité !
Nous
sortons du détroit de Bali à 16 heures : le courant contraire a fortement
ralenti notre passage …
… et
se maintient contre nous le long de la côte Ouest de Bali.
Le capitaine me fait
serré cette côte autant que le permet mon tirant d’eau.
Un vent de terre
irrégulier en force mais toujours portant me permet de gagner dans le Sud-Est.
Un peu
après 18 heures, mon ancre tombe par 6 mètres de fond dans l’Est de la digue du
petit port de pêche de Pengambengan.
Cela fait 7 jours et demi de mer depuis Pulau
Tioman et des sillages de 1000 miles de long. Nous avons quitté Koh
Samui il y a 18 jours : le loch totalise 1560 miles de route.
J'aurai droit à un peu de repos maintenant ?