mardi 31 janvier 2017

PAPOUASIE NOUVELLE GUINEE


DES SALOMON EN PAPOUASIE NOUVELLE-GUINEE



Samedi 22 octobre 2016

L’île de Gizo s’enfonce sous l’horizon, protégée du soleil par ses nuages.

Un vent de 6 nœuds que je reçois par le travers me pousse doucement mais surement vers le nord.



Cette route de 140 miles vers le nord-ouest  nous fera changer de pays.

La frontière entre les Salomon en Papouasie Nouvelle Guinée (PNG pour faire branché) serpente quelque part dans le dédale d’îlots entre Choiseul et Bougainville.



Au coucher du soleil, nous sommes à l’extrémité nord de l’île de Choiseul près de la Pointe Kondakanimboko.
Impossible de confondre ce cap avec la Pointe du Raz : 14 lettres contre 3.


Dimanche 23 octobre  


Lorsque le soleil se lève, l’île de Bougainville est en vue.

Le détroit du même nom a été franchi lentement pendant la nuit : pas ou peu de vent pour gonfler mes voiles.




Les moteurs travaillent toute la matinée. Sans eux, nous serions toujours à cheval entre Salomon et PNG.




Petite fantaisie du capitaine : puisque le vent est absent et que le temps est au beau, autant faire route à l’intérieur du lagon.

La barrière de corail nous coupe la houle résiduelle ce qui facilite la tache pour le pilote et les moteurs.




Sous les monts Kupara et Sugarloaf, la plage. Invisible entre les deux, la piste de l’aéroport.




Ma première rencontre avec un bateau papou.

Une famille rentre d’un piquenique sur les îlots Zeune, un bouquet de fleur solidement amarré à l’étrave.



A 18 heures, je suis à l’ancre dans le port de Kieta.

Mon seul voisin est un bateau de pêche coréen sous séquestre : nous nous sentons un peu seul.




ARAWA - ILE DE BOUGAINVILLE

Le lendemain matin le capitaine prend le bus pour Arawa. Il n’a pas d’argent : le chauffeur lui fait confiance, il paiera plus tard.
Avec l’aide de quelques habitants d’Arawa, il trouve le douanier dans la ville : il n'y a plus de bureau des douanes ni d'immigration. Les formalités d’entrée sont faites.
Le douanier guide  ensuite Yves pour changer de l’argent, acheter une carte SIM, visiter la ville et commenter son histoire récente.


Dès son retour à bord, il relève mon ancre. Nous allons contourner la péninsule de Kieta et mouiller en baie de d’Arawa.





Passage entre l’île d’Arovo et la pointe Marowa : le paysage devient plus riant.





De ce côté de la péninsule, les pirogues sont plus nombreuses.
Les poissons et les humains doivent habiter par ici.




La baie de Kobuan est laissée sur bâbord : elle semble bien abritée mais le capitaine préfère se rapprocher de la ville pour économiser ses tongs.



Je suis maintenant mouillé à 200 mètres de la plage, par 5 mètres de fond, derrière la pointe Pankama.

Je peux éviter sur mon ancre comme je veux, sans déranger qui que ce soit en dehors des crabes et des poissons.


Ma présence attire les enfants naturellement curieux de tout.

La pirogue prolonge les jeux de la plage sur l’eau. La présence d’un adulte canalise un peu leurs ardeurs de découverte du nouveau venu.




La plage de sable noir est également le chemin des écoliers.
Un chemin de 3 kilomètres que le capitaine prend chaque jour pour se rendre en ville.


Arawa était la capitale de Bougainville avant la guerre d’indépendance de 1989 ; Buka, au nord de l’île, est la nouvelle capitale.

Entre des bâtiments désaffectés portant toujours la trace des combats de la guerre d'indépendance, il ne lui reste aujourd’hui que les larges avenues où les voitures sont rares.









La circulation se fait sur les trottoirs …



… et les habitants regardent ce vide à l’ombre des arbres : la vie trépidante de la ville appartient au passé.


Comme aux Salomon et aux Vanuatu, le marché, abrité du soleil, est le lieu de rassemblement.
Son architecture est très basique. Il n’y a pas eu de « Plan Marshal » pour aider à la reconstruction de Bougainville.



La mine de Panguna, qui fut à l’origine du conflit, est là-haut derrière la montagne.

Il y a une heure de voiture du port à la mine : le capitaine est monté la voir avec Johan, guide occasionnel.



Le trou laissé par ce qui fut la plus grande mine de cuivre à ciel ouvert du monde (d’après le guide) est impressionnant : une montagne a été transformée en cratère !






Les restes des installations d’exploitation se dressent toujours …



… mais la nature y reprend ses droits.


Pendant l’embargo décidé par le gouvernement de PNG, ces équipements furent une source d’approvisionnement en matériaux pour l’île.

Les nuages et la pluie donnent une allure sinistre aux squelettes du supermarché, de l’église et des logements du personnel la Bougainville Copper Limited (BLC pour les intimes).

Vous trouverez l’histoire de cette guerre et l’embargo qui a suivi sur Internet.
Essayer « Coconut Revolution » sur Google.


Une semaine plus tard, nous repartons.

Dernière visite de mon plus fidèle admirateur : il est venu me voir tous les jours, matin et soir.
Un jour il a rapporté un gros billet de banque qu’Yves avait semé sur la plage.




C’est au moteur que le capitaine dirige mes étraves vers la passe : à croire qu'il y a un embargo sur le vent ?









DE ARAWA A NISSAN





Prochaine escale : l’île de Nissan à 150 miles au nord.

Le capitaine prévoit de bien arrondir la route pour nous écarter de Bougainville et peut-être trouver plus de vent au large.



Toutes la journée, les grains succèdent aux grains.

Pluies,  vents tournant inférieurs à 5 nœuds : cette première journée de navigation ne sera pas marquée d’une vague blanche dans les anales.



En milieu de nuit, les grains s’espacent : grand-voile et génaker me tirent enfin comme un voilier.

Ce plaisir dure jusqu’à midi.



A 13 heures, la passe sud de Nissan est franchie.
Le fond est heureusement bien visible sous le soleil : la carte, peu précise, n'est d'aucune aide pour franchir cette passe étroite.






NISSAN

 

Le capitaine me mouille devant le village de Yotchicol, à moins d’un mile dans sud-est de la passe.

A la pointe, le Nissan Island Yacht Club (NIYC pour les yachtmen) : derrière cette appellation ronflante, il n’y a ni bière fraiche ni de salon feutré mais de l’eau de coco et des grands sourires.



Arriver un dimanche en début d’après-midi, c’est le succès assuré : nous recevons la visite de jeunes, …



… de moins jeunes, des anciens, des familles.

Le rituel de présentation est immuable :
- d'où tu viens,
- où tu vas,
- comment tu t'appelles,
- où est ta famille.





Il n’y a pas suffisamment de pirogue pour tous les curieux : un grand tronc de cocotier est armé par un groupe d’une vingtaine de jeunes.

C’est l’embarcation semi-submersible la plus joyeuse que j’ai vu.
Les jours suivants, nous reverrons ces visiteurs, la force du vent et l’état de la mer dans le lagon ne les intimident pas. Cet équipage comprend un capitaine (le plus âgé à l’arrière), son second à l’avant et un mousse (le plus jeune) au centre pour écoper.





Yotchicol se cache derrière le rideau uni de végétation. La vue imprenable sur le lagon n’est pas de mise ici.



Le capitaine se présente au chef Patrick, écrit un petit mot sur le livre d’or, puis obtient bien entendu la liberté de circuler dans toute l’île.

La rue principale du village est presque aussi large que les Champs Elysées et l'accès aux contre-allées est direct.
Chacun recueil la précieuse eau de pluie. Les maisons sont faites de végétaux, mais le stockage de l’eau bénéficie de citerne plastique.
Il n’y a aucun de magasin dans le village : les jardins et la mer fournissent l’essentiel pour vivre.

Chaque jour, des pirogues viennent le long de mon bordé pour faire du troc. La valeur dépend du besoin de chacun et quand Yves échange une langouste contre 1 kg de riz, les deux parties sont ravies et c’est ce qui compte.



La route qui ceinture Nissan a été tracé par les Américains durant la seconde guerre mondiale.
Elle est toujours entretenue pour les cinq voitures circulant dans l’île.

Information sans importance : aucun de ces véhicules n’est de la marque Nissan.
 


Tout au long de cette route se succèdent des habitations et des familles. Après le sourire timide de la première minute de rencontre, les enfants se transforment spontanément en accompagnateurs sur 1 ou 2 km.
 




Visite d’une classe (elle est vide, nous sommes dimanche) de l’école primaire, ventilée par ses murs à clairevoie ...





 … puis démonstration de plongeons dans un petit lac caché dans une faille du corail, juste derrière l’école.
Il doit y avoir affluence les jours d'école !
 


Retour à bord en contournant cette coupe de champagne corallienne pleine à ras bord de végétation.
 

Le calme du lagon est une bonne opportunité pour effectuer les travaux sous mes coques.

La barre est de plus en plus dur : les paliers d’étambot doivent être ajustés.
Le capitaine démonte mes safrans pour limer ces paliers, avec l’aide bienvenue ces deux hommes.
 


Pour effectuer cette opération, je suis mouillé par 3 mètres de fond. Des aussières sont portées sur des cocotiers.

Les enfants en profitent pour m’utiliser comme plongeoir.
 
L’hélice bâbord qui a pris du jeu.
Je suis de nouveau amarré aux arbres mais plus près de la plage, par un mètre de fond.
Yves démonte l’hélice efficacement assisté de ces quatre solides gaillards qui restent longtemps sous l’eau soit pour travailler soit pour regarder celui qui travaille.

L’arbre d'hélice est enduit de colle Epiglue. Remontage, serrage, polymérisation dans l’eau. Depuis, il n’y a plus de jeu.
 





Sur la carte, Nissan ressemble à un ballon de rugby de 15 km de long sur 6 de large.

Au centre un îlot inhabité, comme l’île des Evens au milieu de la baie de La Baule.
 



Des pirogues sillonnent le lagon toute la journée, d’un village à l’autre ou d’une maison à l’autre.
 



Le capitaine décide de visiter l’île de la même manière, par le lagon.

La voile est gréée sur l’annexe : à la rame, l’exercice serait trop long.
 

Tout l’anneau de Nissan est habité. Dès que l’on aperçoit une pirogue sur la berge, la maison est derrière, plus ou moins visible.
Entre la passe sud et celle du milieu se trouve l’île de Barathun, suivi de l’île de Bion puis de l’île de Sirot.

Dès l’accostage sur chacune d’entre elles, les gens apparaissent comme par enchantement. 

Ensuite, tout le monde s'assied et commente ... où bien il entraine le capitaine pour une visite de leur îlot.
 
 
 
Plus de 20 miles ont été parcourus par l'annexe en trois expéditions : une vers le nord, une vers le sud …
 
 
… puis une dernière vers l’est, là où se trouve l’école secondaire.

L’établissement emploie des enseignants venus d’autres régions de PNG. Il y a un magasin qui propose tous les produits de base : c'est suffisant pour le style de vie d’ici.
  




En fin de journée, le vent se couche tôt. Lorsqu’il s’attarde, le capitaine effectue les derniers miles du retour à la rame.
 
 
 
 
 

 
DE NISSAN A KAVIENG



Mardi 15 novembre, 7h40

Après plus de deux semaines d’escale dans cette île attachante, nous partons pour Kavieng, en Nouvelle Irlande.

Une route de 270 miles dans le nord-ouest
 


Dès 9 heures du matin, le ton de la croisière est donné : vent de nord-est, puis de nord-ouest.

Je fais donc du près serré sous la pluie : tout le contraire de la navigation au portant dans l’alizé. En fin d’après-midi, les îles Feni sont doublées par l’est.
 
Mercredi 16 novembre.

Au lever du soleil, nous sommes à 5 miles de l’île de Boang.

Jusqu’à 3 heures du matin, le vent s’est maintenu nord-ouest à 10 nœuds. Puis il a faibli, a hésité dans son choix d’un point cardinal ; la pluie elle a choisi de tomber d’en haut.

Vous avez vu mes nouvelles écoutes de grand-voile, une rouge à bâbord, une verte à tribord. Les chariots de barre d’écoute sont bloqués, les renvois d’écoutes sont supprimés.
Le capitaine est ravi de cette nouvelle configuration qui supprime beaucoup de renvoi et donc de perte d’énergie.
 




Dans l’après-midi, je n’ai avancé que de 10 miles sur la route, face à un vent de 5 nœuds. Les îles de Lihir et de Masahet me regardent depuis ce matin.
Un peu énervant, non ?
 
Jeudi 17 novembre

Le vent reste fidèlement au nord-ouest et à 5 nœuds.
La lune le surveille mais entre 2 heures et 5 heures cette nuit, il s’est absenté. Résultat, j’ai fait une marche arrière de 2 miles et demi sur la route.
Ce qui confirme les informations des Pilot Charts : le courant est allié au vent contre nous !





Ce vent faible permet au capitaine de vivre sa vie comme au mouillage : le bol de café au lait bien rempli sans faire de tache sur le set de table.


Au point de midi, ma progression sur la route est de 48 miles en 24 heures.

A 14 heures, le capitaine lance un moteur : le vent est certainement parti souffler ailleurs et il n'a pas dit quand il reviendra.



18 heures : les îles Tabar sont visibles devant nous.

Ma route passe juste entre l’île de Simberi et l’île de Tatau. La nuit est claire, le vent faible : nous empruntons le passage entre ces îles avec l'aide indispensable du GPS.
Vendredi 18 novembre
Pour se mettre à l’abri du courant contraire, nous tirons un long bord vers la côte de Nouvelle-Irlande. La route se poursuit à la voile et au moteur.
Il n’y a plus aucun doute maintenant, nous sommes bien dans la zone intertropicale de convergence (ZIC pour les spécialistes).

Les anciens l'appelaient le « Pot au noir ». Le véritable orthographe est « Poteau noir ». Regardez sur la photo ces colonnes noires qui supportent les nuages.
Il peut entrer à l'Académie Française mon capitaine ?

A 16 heures 30, je suis mouillé face à un bar-hôtel-restaurant.
Le port de Kavieng est l’espace protégé par les îles de Nusa et Nusalik : une plage de sable doré remplace le quai en granit gris.

Une traversée laborieuse depuis Nissan :
3,8 nœuds de moyenne grâce aux 30 heures de moteur sur 80 heures de route.



KAVIENG – NOUVELLE-IRLANDE.
 


Le lendemain Hélios mouille près de moi. Il arrive de Rabaul.

Nous étions ensemble au Fidji en début d’année. Depuis chacun a suivi sa route et nos vagabondages convergent de nouveau.




Le capitaine suit le rivage pour aller en ville pour visiter le douanier, le marché et les commerces.
Il y a un quai pour les navires marchands plus loin, mais le trafic avec les autres îles se fait à partir de la plage.




Kavieng est animé pendant la journée : c’est la capitale de la Nouvelle Irlande.
Animation n'est pas cohue : New York et Tokyo sont loin d'ici.




Petite capitale donc : en allant à pieds du centre aux quartiers périphériques, vous n’user pas vos tongs.

La circulation automobile reste très discrète : vous ne serez par interrompu si vous tenez conversation au milieu de la rue.

Qui dit Irlande dit pomme de terre.

Elle est cultivée ici et elle est excellente.

Le capitaine se fait des orgies de ce légume rare sous les tropiques. Il faut d’ailleurs être très présent sur le marché pour pouvoir en acheter : les jours et les heures d’arrivage sont un grand mystère.



Qui dit Irlande dit verte prairie.

Eh bien non : la Nouvelle Irlande est à moins de 300 km de l’équateur.

La campagne est certes verte mais très touffue : la nature n’autorise pas les prairies …



… et le vert n’est pas la seule couleur en vogue.

Ces deux garçons regardent vers le nord, au-delà de la barrière de corail.

Mon capitaine regarde aussi dans cette direction. La météo persiste depuis une dizaine de jour à n’annoncer que des vents faibles à nuls sur la route que nous devons prendre vers la Micronésie.

Il faudra bien pourtant un jour les traverser ces calmes équatoriaux.



Le dimanche 4 décembre au matin

Mon ancre est arrachée du fond du port de Kavieng ; le cap est mis au nord pour couper l’équateur et rejoindre Yap en Micronésie.







Pendant ces 6 semaines d’escale en Papouasie Nouvelle Guinée, nous avons visité trois îles dans l’est de la mer de Bismarck : que de très belles et très sympathiques escales.
Au revoir Papoue.