jeudi 4 août 2016

LES VANUATU

DES FIDJI AUX VANUATU
 


Lundi 16 mai 2016

L’ancre est sur ma poutre à midi ; le genaker est à poste, la grand-voile prête à être envoyée : nous quittons Suva.


La passe est franchie 30 minutes plus tard sous grand-voile et genaker.

Un vent de sud-est de 13 nœuds nous attend.



Cap sur les Vanuatu qui se trouvent à 600 miles en plein dans l’Ouest.



A 16h30, le passage de Beca est franchi.


J’avance à 8 nœuds et ce bateau de pêche chinois avance à 8,2 nœuds sur la même route que moi.

Il lui faut deux heures pour me doubler.


Le nouveau pilote met toute son intelligence en œuvre pour me maintenir sur le cap avec un minimum d’embardée.

Il y a plein de réglages ce qui justifie un mode d’emploi long comme un roman. 
Des soupirs se font entendre à la passerelle.



Nous sommes maintenant près du vent arrière, le genaker amuré sur l’étrave.

L’îlot de Vatulele est doublé juste avant la tombée de la nuit.



Devant, il y a plus que la mer libre.

Mardi 17 mai

Viti Levu est une île grande et haute. Elle perturbe l’alizée en force et direction loin sous son vent.

A minuit, le foc remplace le genaker. A partir de 2 heures du matin, le vent se stabilise : Sud-Est 15 nœuds.

Le genaker ne reprend son service qu’à 9 heures : le petit déjeuner de Yves est prioritaire.


Une belle journée à courir avec la houle s’achève.

Quelques variations du vent ont fait passer le genaker de l’étrave au tangon puis du tangon à l’étrave. Rien d’autre n’a perturbé la lecture et les siestes du capitaine.
Mercredi 18 mai

Le vent est constant mais frais pendant la nuit : 22 nœuds. Le foc prend la place du genaker pour ménager l’équipage.




A 6 heures du matin, le genaker est de nouveau sur l’étrave, et la grand-voile réduite au deuxième ris.
Je file mes 9 nœuds de manière régulière, enrichi de quelques surfs sur les vagues. Mes moyennes journalières sont honorables : 153 miles hier, 180 aujourd’hui.

Le soleil se couche et je fonce toujours. Aucun changement dans les réglages durant tout l’après-midi : les winchs sont restés silencieux.
Je fais des excès de vitesse en début de nuit : des pointes à 15 nœuds qui perturbent le repos du capitaine. Me voilà privé du genaker, puis même du foc.



Jeudi 19 mai


Arriverons-nous aux Vanuatu le jour de la Saint Yves ?



Au matin je dispose de nouveau de ma voile d’avant.

A midi je suis toujours sous grand-voile arrisée et genaker. 172 miles au loch en 24 heures.


A 18 heures, l’île d’Efaté est en vue. Nous n’y arriverons pas pour la Saint Yves.

Le capitaine me retire de la puissance pour arriver au matin : plein vent arrière sous grand-voile arrisée seules.
Vendredi 20 mai
A 2 heures du matin, nous sommes par le travers de la Pointe Narpow et un peu avant 4 heures mes étraves entre en baie de Mele. Une odeur de pain frais, de fleur et de terre humide flotte dans l’air.
Le capitaine examine la carte et estime qu’une arrivée de nuit ne présente pas de risques. Bien que sa décision soit guidée par le manque de sommeil, tout se passe bien.
A 5 heures du matin je suis mouillé dans la zone de quarantaine après être passée entre les bouées lumineuses rouge et verte de la passe. Les autres bateaux sur rade sont bien éclairés.


Au réveil, le capitaine découvre le paysage qu’il n’avait pu que deviner pendant la nuit ; l’ancre est tombée 60 mètres … avant le seuil du haut fond.

Les 600 miles ont été avalés en 3 jours et 16 heures, sans casse ni incident, avec le plaisir d’être poussé par le vent, la mer et certainement le courant.
Une traversée qui donne envie de naviguer !



PORT VILA - ILE D'EFATE



Yves débarque pour faire les formalités : douanes, biosécurité, immigration et banque sont visitées dans la matinée, à pieds et en taxi.


Je peux quitter la zone de quarantaine …

… et mouiller à Paray Bay, entre la ville et l’île de Reriki.
Un quai ainsi que des coffres sont à la disposition des bateaux de passage.
Le capitaine utilise seulement le ponton flottant réservé aux dinghies.
Juste derrière ce ponton, un bar et un restaurant peuplés des navigateurs de tous horizons.


La flotte de bus et de taxi est complétée par les bateaux de transport de passagers. Heureusement qu’il n’y a pas de vague dans la baie.


Port Vila, capitale des Vanuatu. Les embouteillages y sont encore inconnus



Deux rues parallèles à la mer et cinq ou six perpendiculaires : elles descendent vers la baie comme à San Francisco, mais sans rails de tramway.


Le banc et les sièges sur le trottoir sont des atouts marketing indispensables pour le magasin.






L’étendu du centre-ville permet de le parcourir à pieds avec le cousin …


… ou les cousines.



Sur le chemin de retour de l’école, la jeunesse s’invente des distractions.






Avant, il faut franchir des étapes : il faut donner la main à grand-mère, …


… puis à Papa.



Enfin, on entre seul avec les copains chez l’opérateur de téléphonie pour choisir le mobile que l’on achètera le jour où l’on aura des sous.




Ou bien on lorgne les vêtements que l’on pourra porter quand on ne sera plus obliger de porter l’uniforme de l’école.



Un grand marché couvert, ouvert dès le lever du jour jusqu’après le coucher du soleil ; un peu de relâche le dimanche.

Fruits, légumes, au détail, en sac ; le prix est indiqué sur un petit carton ou directement sur le produit.



Derrière le marché, côté mer, des paniers entièrement recyclables attendent l’embarquement ; un petit garçon en fait son terrain de jeu.



La dynamique commerciale déborde jusque sur le trottoir, devant le marché, côté ville.



Pour que personne ne reparte le sac vide, il y a aussi des tissus, des vêtements, …

… et des fleurs.


Bien sûr, il y a de quoi s’assoir pour se raconter des histoires.








CARENAGE




Mardi 24 mai : départ pour l’autre côté de la baie de Mele : le capitaine a trouvé un chantier pour me sortir de l’eau.

Je peux enfin rêver à des dessous propres. 



Un mile et demi de navigation pour s’y rendre : nous longeons l’île de Ifira dans Pontoon Bay …

… et arrivons face à Tumow.

Pour l’instant, je ne vois que de la végétation et pas la moindre grue.


Après la plage, derrière le portail, dans les arbres, il y a le « boat yard ».

Pas de grue ni de travel lift, mais un charriot modulable à volonté.

Quatre plots de bois, recouverts d’une jolie moquette bleue, sont positionnés à mes mensurations sous-marines.







Le personnel me prend en charge tant sur le pont …


… que sous la flottaison. Le travail de positionnement se fait avec masque, tuba et geste codifiés.



Lentement, le tracteur m’arrache à mon élément comme un catamaran de sport au retour de sa promenade dominicale.




Les lamaneurs amphibies ressortent de l’eau avec moi.


Franchissement du portail : il ne faut pas que je prenne des hanches sinon ça ne passe plus.


Le travail commence aussitôt après la pause de midi : grattage à la main des anciennes couches d’anti-fouling. Le gel-coat est mis à nu.



Puis un ponçage toujours manuel permettra une bonne adhérence de la peinture.

Un nettoyage au solvant complète le process.

J’ai vraiment l’impression d’être dans un salon de massage.




Deux couches de primaire époxy sont appliquées pour prévenir l’osmose.




En gris métal, mes carènes ressemblent au fuselage d’un avion de chasse.



Pour finir, deux couches d’anti-fouling rouge devraient me garantir des carènes aussi lisses qu’une peau de bébé pendant … longtemps espère le capitaine.
Profitant de ce séjour au sec, les hélices révisées, graissées, puis peintes au silicone. Toutes les anodes sont changées.

Les ailerons devant les hélices, qui avaient été allongés au Venezuela, retrouvent leur dimension d’origine.


Les panneaux, dit de survie, en aluminium sont changés par des panneaux en fibre de verre / époxy : plus discret et surtout insensible à la corrosion.
Mercredi 2 juin : retour à l’eau. Le tracteur me tire hors du chantier, toujours lentement mais surement.


Le capitaine doit au préalable régler la facture. 
Très douloureuse. Il avait été prévenu que le propriétaire du chantier avait tendance à gonfler les chiffres, mais là le montant est digne d’un chantier de très grand standing sur la côte d'Azur.
Dur à avaler mais il n’a pas le choix.


Je suis attendu de pieds fermes sur la plage.

Tout est prêt : aussières, masques de plongée, bateaux d’assistance.



Les peintres veillent sur mes œuvres vives pendant l’approche.




Les muscles des hommes aident parfois la machine : faut que ça passe.

J’entre tout doucement dans l’eau.
Pourtant elle n’est pas froide.

Retour au mouillage de Port Vila.

Les équipets se remplissent de pâté, de moutarde, de cassoulet et d’autres produits bien français qu’il sera ensuite difficile d’approvisionner.

A la poste, le Capitaine retire un gros colis en provenance d’Allemagne.



Yves entend un appel : normal, nous sommes le 18 juin.


C’est l'appel du large : tous les appels du 18 juin ne sont pas identiques.

Nous mettons le cap vers le nord et les autres îles de l’archipel des Vanuatu.








Au revoir Port Vila, capitale sans mendiant ni grosse limousine dans les rues.