jeudi 14 août 2014

CUBA : ... SUITE ET FIN

DE LA HAVANE A CIENFUEGOS



Mercredi 11 juin 2014, les formalités faites, nous quittons de La Havane pour Cienfuegos.

Une route vers l’Est (portant), puis vers l’Ouest (face au vent) pour faire le tour du Cabo San Antonio. Un périple de 500 miles. 
C'est plus court par la terre.


Nous longeons la côte dans un vent faible et un courant de face. 



Visite d’une tourterelle. Elle boit, passe la nuit à bord et repart le lendemain matin à l’aube. Sans dire au revoir.



Le vent est toujours faible : mon genaker reste à poste toute la nuit, bien éclairé par la pleine lune.





Attention quand même aux grains …

Jeudi, les grains se font plus fréquents. Nous sommes maintenant vent de travers. Le câble de la martingale de la poutre avant commence à lâcher. C’était à prévoir mais c’était oublié. Aux San Blas, Yves avait remplacé l’ancien câble par un câble d’un ancien hauban. Avec de l’ancien, c’est difficile de faire du neuf !






Une escale technique au Cabo San Antonio est décidée par la maistrance.




Nous sommes toujours talonnés par des grains.



A 20 heures, mon ancre est mouillée près de l’Ensenada Bolondron, face au Cayo Poncho. 
Une nuit calme sous la surveillance d'une dame la lune bien ronde.

Le lendemain à l’aube, Yves est au travail. Le gréement est détendu, le câble déficient démonté, deux épissures sont faites sur un bout en Spectra, un ridoir textile est improvisé, des palans sont installés pour mettre le tout en tension. A onze heures, je suis prêt à reprendre la mer.


Il y a une pêcherie tout près de nous. Une barque passe ; cinq queues de langouste et un quart de litre de rhum changent de bord. Le temps de cuire toute ces bêtes et mon ancre sort de l’eau à 3 heures de l’après-midi.

5 miles plus loin, je suis amarré au quai de la Marina Morros de Piedra. 
Il y a trois emplacements et j’occupe de troisième. En dehors des bâtiments de la marina, il n’y a rien aux alentours. Le Capitaine a fait escale par curiosité et pour faire le plein de gas-oil


A 18 heures, nous repartons. Nous sommes le vendredi 13 juin. 
Oui, vous avez bien lu : non seulement le 13, mais nous sommes un vendredi et nous partons ! Hérésie.


Début de navigation au près. Les épissures de la martingale se mettent en place et le Capitaine reprend du ridoir de mon hauban sous le vent. Après quelques miles, bouts et câbles se stabilisent.


Cabo San Antonio : c’est la pointe la plus à l’Ouest de l’île de Cuba. Le Raz de Sein ou le Land End cubains en quelque sorte. 

Comme toutes les pointes les plus à l’Ouest, il y a un phare.




Toute la nuit et la journée du samedi, nous tirons des bords en direction de l’île de la Juventud. Elle est doublée pendant la nuit.


Dimanche, nous continuons à tirer des bords au large des Jardins de la Reine. Le vent oscille autour de 10 nœuds, la mer est calme. Je ne souffre pas pour remonter vers l’Est.




En début de nuit, de gros nuages noirs chargés d’éclairs nous barrent la route. La lune se cache derrière eux. Le Capitaine roule de foc, réduit ma grand-voile au 2éme ris. 
A 23 heures, le grain est sur nous. Sa violence nous surprend : mon anémomètre passe les 45 nœuds (ensuite la vitesse du vent est inconnue : le capitaine a retiré ses lunettes).
La force du vent empêche le reste de grand-voile de descendre. Malgré mes deux moteurs, je n’arrive plus à venir face au vent. Mes lattes plient et passent en avant du hauban. La capitaine arrive finalement à affaler la voile. Le grain dure une heure et demi. 



Au matin, le capitaine constate mes blessures. Ma barre de flèche du guignol est partie sur l’avant. Je termine la traversée aux moteurs. 

Qui a dit que partir un vendredi porte malheur ? A bord personne n’est superstitieux ... mais la prochaine fois nous attendrons le samedi pour parti. 



En fin d’après-midi, j’engage mes coques dans la passe qui mène à la vaste baie de Cienfuegos.









CIENFUEGOS



Dans la passe, face à Punta  Pasacaballos, Cuba souhaite la bienvenue au voyageur socialiste. 



Sur les rives de la baie, les résidences secondaires alternent avec les maisons des pêcheurs.



Une demi-heure plus tard, je suis solidement amarré aux quais de la marina Jagua. 
Comme dans les quatre autres marinas cubaines que nous avons visité, quais et cat-way sont en béton.



L’infrastructure est plus modeste qu’à la marina Hemingway de La Havane mais l’accueil y est beaucoup plus chaleureux. Ici, « Bienvenido » ne se prononce pas « dollar ».



Derrière-moi de luxueuses installations : hôtel et quai pour les catamarans à la location. Un autre monde.



Mon voisin de devant : il est vieux et malade. Il s'appuie sur le fond et il est trop fatigué pour monter avec la marée.




L'équipage l'a abandonner précipitamment, sans prendre le temps de bien ferler ses voiles.
Ce n’est pas le cas de mon capitaine, qui dès le lendemain de notre arrivée s’emploie à la remise en état de mon guignol. 
Après avoir visité tous les ateliers de Cienfuegos, il répare lui-même le profil de barre de flèche. C’est un fabriquant de lit métallique qui me redresse le tube.



Les travaux vont durer plus de dix jours : la coupe du monde de football occupe les après-midi …



… et l’anniversaire du capitaine ne fait pas accélérer le travail.



Dès la sortie de la Marina, les vieilles américaines sont là.





Plus ou moins rutilantes, mais roulantes.



Elles sont en harmonie avec les belles demeures coloniales qui se trouvent tout autour puis … 




… cap sur la ville en empruntant le Malecon.

Le moyen de transport préféré du capitaine : bien ventilé, silencieux et économique. Le voyage laisse le temps de commenter avec le conducteur-moteur les résultats de la Coupe du Monde.



Dès qu’il pleut, la vieille américaine reprend l’avantage.




Aller, retour, aller, retour : elle doit connaitre chaque gravier du bitume.




Le Malecon, ce n’est pas qu’une rue, c’est aussi  là que se font les rencontres ... 





... qui deviennent familles.



Le principal est de trouver une place à l’ombre pour commenter le 20 ème passage du taxi bleu.



Au bout du Malecon, Le Prado, autre lieu majeur la ville. 
Les bancs en plein soleil sont libres, les autres occupés.



L’ombre : c’est elle qui commande l’architecture.



De chaque côté du Prado, le trottoir est à l’ombre en plein midi.

(Noter la propreté de la ville, fierté de ses habitants)




Même règle autour du parc Jose Marti.



C’est vrai qu’il fait chaud autour du lampadaire : les chiens le désertent.


Le « Boulevard », rue piétonne, échappe à la règle. Ici, soit les cubains rasent les murs, soit ils affrontent le soleil. 
Visiblement, ce ne sont pas des gens à raser les murs.



L’architecte-urbaniste a calculé juste l’empâtement d’une poussette entre maison et réserve autour de l’arbre. 
Quand même, les mamans doivent ralentir pour passer.




Le Parque Jose Marty, place centrale de la ville. 
Il y a donc une statue d’un bienfaiteur de la patrie mort depuis longtemps …




… et le palais du gouverneur dont la façade est impeccablement ravalée.



Une première tempête tropicale vient de passer à 300 miles dans notre nord. La saison avance, il est temps de mettre le cap au sud.



Traversée de la baie de Cienfuegos ... 




... en saluant quelques embarcations de transport inter-baie.



Je suis engagé dans la passe quand le capitaine aperçoit un mastodonte lui aussi engagé.
Bien qu'il n'ait qu'une coque, il est plus long, plus large et plus lourd que moi. 



Les barques se mettent de côté, près des berges.



Moi, je l’affronte le gros : c'est un entrainement pour le canal de Panama.


C’est passé, ouf. 

Lecteur, pas trop dur le suspens ?



Ensuite, c’est moi le plus gros.

La passe est un passage obligé pour nous autres bateaux, mais également pour les poissons. Les pêcheurs cubains l’ont compris.







Au revoir Cuba. Le capitaine est ravi d’être passé par Cienfuegos, de loin l’escale la plus agréable que nous ayons fait sur la grande île de Cuba. 



DE CUBA A PANAMA



Nous sommes mardi 1er juillet 2014, il est 10 heures du matin.

J’attaque la descente vers le sud au près serré dans les petits airs. Le vent adonne vers midi et je continue sous genaker.
800 miles devant les étraves, en laissant les îles Caïman d’un côté, la Jamaïque de l’autre. 
Depuis un mois, les fichiers météos annoncent du vent d’Est de 20 à 25 nœuds entre 17 et 13° nord. Le capitaine décide de gagner dans l’Est avant le 17ème parallèle pour pouvoir ensuite me faire naviguer à une allure plus arrivée quand le vent soufflera fort.



La première journée est sereine : petit temps, entre près bon plein et vent de travers. 


Mercredi, la journée est aussi sereines que la veille. 
Un grain est salué voilure basse à 13 heures, puis je repars comme s'il ne s’était rien passé. 
A 20 heures, nous passons à 20 miles dans l’Est de Caïman Brac.




Mes moyennes journalières sont faibles : 110 miles, 130 miles. Yves commence à appliquer le dicton « Qui veut voyager loin ménage sa monture ».  
Elle est contente, la monture.



La Jamaïque est doublée jeudi midi. Nous sommes passés à 40 miles sous son vent, sans remarquer d’odeur inhabituelle. 
Le vent souffle fort maintenant.




Vendredi, la moitié de la route est faite. Nous courons vent de travers, cap au sud. La mer est formée, ma voilure est réduite. 




J’avale entre 150 et 160 miles tous les 24 heures : c’est raisonnable pour un coursier comme moi.
Et je ne peux pas m’empêcher de foncer de temps en temps.


Samedi : la course vers le sud continue. 
La houle d’Est vient me masser les poupes régulièrement, sans se lasser.


Le trampoline lui filtre des tonnes d’eau salée.






La nuit précédente, le capitaine m’a fait abattre de 20° : je fatigue moins, lui aussi
Chaque vague qui passe tente de monter à bord par l’arrière : c’est plus bas donc plus facile. Je la laisse s’approcher puis au dernier moment, je lève mes fesses. Elle passe dessous. La suivante fait la même tentative et je la déjoue de la même manière. Ça peut durer des jours : j’aime bien et je ne m’en lasse pas.





Dimanche en mer n’est ni un jour férié, ni un jour chômé, ni un jour de repos. 
C'est la troisième journée avec 25 nœuds de vent. Ma grand-voile est affalée depuis samedi matin et le foc en partie roulé. 
Mes moyennes restent honnêtes et le capitaine mange chaud trois fois par jour.





Lundi : le vent faiblit enfin au petit matin. Ma grand-voile est renvoyée, le foc est déroulé. 



Le capitaine a vu la terre : il sourit dans sa barbe.




Puis il s'assombrit, pris d'un doute. 
Et si Sir Francis Drake se réveillait à notre passage !



Mais non, pas de danger. Il est bien là, au fond de l’eau, au pied de l'île qui porte son nom. Son cercueil a été plombé.


A 10h30, je suis mouillé au fond de la rade de Portobelo. 
Les 800 miles ont été faits en 6 jours.
Tous les mathématiciens et les instituteurs vous diront que ma moyenne est donc de 5.5 nœuds








Fin de notre tour de la mer des Caraïbes occidentale. Un voyage de 3000 miles accomplit en 3 mois. Nous avons visité deux pays, fait escales dans trois îles. Pour tout voir, il aurait fallu six mois. Une autre fois peut être.





Maintenant, repos à Portobelo : Yves et moi attendons un heureux événement avant d'aller goûter l'eau de l'océan Pacifique.


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