lundi 27 juillet 2015

LES MARQUISES DU SUD

HIVA OA

Je suis mouillé dans la baie de Tahauku sur Hiva Oa, île principale du groupe des Marquises du sud. Nous sommes nombreux et il n’y a pas assez de place pour que chacun puisse éviter à son gré et surtout au gré des risées qui descendent de la montagne. Chaque bateau mouille une deuxième ancre à l’arrière et nous restons bien sagement alignés. Etraves au nord ou au sud, suivant que le capitaine veut avoir sa tête de couchette au nord ou au sud.



Des hauteurs qui surplombent la baie la mer semble toujours calme. 
Tahuata est bien visible et par temps dégagé, à 90 kilomètres d’ici,  Fatu Hiva apparait l’horizon



Nous passons quelques jours au calme à regarder le soleil se lever puis à regarder ce même se coucher derrière les sommets : cela nous change des coucher de soleil sur l’horizon. 



De l’autre côté de la Pointe Feki, la baie des Traitres. Il n’est pas possible d’y mouiller : elle est ouverte à la houle. C’est dans cette baie que se trouve le village d’Atunoa. Le capitaine marche trois kilomètres pour s’y rendre.




Le peintre Paul Gauguin a passé la fin de sa vie dans cette vallée. C’était au début du XIXème siècle. Le 19 novembre 1975,  ...


… c’est au tour de Jacques Brel d’être séduit par Atunoa. Il met son sac à terre (en clair, il quitte son bord). Ces deux hommes sont aujourd’hui voisins de cimetière.


La vue depuis le cimetière n’a pas changé : infatigables, les vagues secouent les galets noirs de la plage.



L’avion de Jacques Brel est restauré. Il trône au milieu d’un « espace » dédié à la mémoire du chanteur. L’ambiance sonore est entièrement issue des chansons de Jacques Brel.




L’Askoy, son voilier qui l’a conduit jusqu’ici depuis l’Europe, n’est pas oublié. Il est plus grand, plus lourd que moi ; il n’a qu’une coque. Il avait mis 59 jours pour traverser le Pacifique.




Quelques-unes de ses lettres à Casy-Rivierre sont présentées. Brel commente sa vie sur l’île et il sait que ses jours son comptés.






Des passages de chansons, notamment celles relatives au voyage


Pour faire le tour du personnage, des extraits d’interviews pour faire le tour du personnage. 


Brel avait une autre vision que Stéphane Hessel sur l’indignation 
(« Indignez-vous ! » essai de 32 pages publié en 2010 par Indigène Editions – Montpellier : ce livre était à bord et il est resté en Algérie). 


La houle entre dans la baie et je rue entre mes ancres avant et arrière comme un cheval dans ses brancards. Voiliers au mouillage et surfeurs ne doivent pas cohabiter. Le capitaine m’a déplacé trois fois durant ces 10 jours d’escale. Nous levons les ancres à 8 heures du matin le lundi 30 mars 2015.




C’est parti pour un tour des îles des Marquises du Sud. Des cinq îles du groupe du sud des Marquises, nous allons visiter les trois qui sont habitées.




Cap au sud sud-est, en serrant un vent faible. Vers 10 heures le vent s’établit nord, puis nord-est. 








FATU HIVA






De gros nuages de pluie passent suivis par d’autres tout aussi humides. A 16 heures, au sortir d’un grain, nous apercevons Fatu Hiva.



Six bateaux sont au mouillage : actuellement les Marquises  sont visités par deux rallyes d’où la présence de tant de voiliers.




Ce soir, je suis dans à l’ancre dans un lieu mythique : la baie des Vierges. Elle mérite sa réputation.



Orienter face à l’ouest, la baie change de couleur jusqu’au dernier rayon de soleil.



Avant, le débarquement se faisant dans les rouleaux. Maintenant, une digue en enrochement protège un petit quai où sont amarrées quelques embarcations. L’annexe est mise à l’eau, 






Le capitaine met ses tongs et remonte la rue principale de Hanavave : des conversations plus ou moins longue s’engagent avec les gens qu’il croise et des propositions de troc s’échafaudent. Ici encore plus que dans les autres îles, l’argent n’a pas conquis les âmes




L’eau étant source de vie, la rivière limpide suit la grand-rue. Le marquisien ne dit pas « je suis du village », mais « je suis de la vallée ». Comme les Suisses ?




Cette vallée est encaissée, avec un étranglement rocheux près du port. Ensuite, la montagne laisse plus d’espace pour les palmiers, bananiers, avocatiers, arbres à pain, …





… citronniers, pamplemoussiers, quelques orangers.



Les cochons et les chèvres sauvages sont dans la montagne. Le poisson est dans la mer. Il y a des jours de chasse, d’autres de pêche, d’autre de ramassage des fruits et d’entretien des terres.



Les fleurs, indispensable à la vie Marquisienne, que ce soit pour se parer ou pour se parfumer.
Au fond de la vallée, une cascade. Une turbine hydraulique est en cours d’installation. L’électricité propre approche.





Le capitaine a oublié le parapluie à bord. Pas grave : la nature fourni le matériel pour le garder au sec.



L’église est au centre de la vie sociale, tout le monde s’y retrouve. Et comme les Marquisiens aiment bien être ensemble, ils arrivent longtemps avant et ne se pressent pas pour retourner à la maison. Nous sommes en pleine semaine sainte : tous les jours, les chants font vibrer les cœurs


Les bébés sont bien sûr présents. Exercer le métier de baby-sitter en Polynésie n’est pas un bon plan face à la concurrence des frères, sœurs, cousins, grand parents... 
Pendant l’office religieux, le petit passe de bras en bras sur plusieurs rangées de bancs. A la fin la mère le récupère bien sûr.


L’église, c’est le seul moment où les femmes peuvent sortir les beaux habits. Mon capitaine en a fait autant : habillé d’un ensemble marocain,  il a assisté à toutes les cérémonies et a fait le chemin de croix. 
Il s’est abstenu de chanter : non seulement il n’a pas la voix mais les chants, tout comme la messe, sont en Marquisiens.



Des enfants qui se sont sauvés sur le port : ils sont récupérés (les beaux vêtements mouillés) pour le repas du dimanche de Pâques.


Yves est invité chez Poï. Pour ce jour exceptionnel, la famille a préparé un four Marquisien. Depuis la veille, ça mijote dans un trou creusé dans le jardin.




Le couvercle en feuilles de bananier est retiré délicatement pour ne pas mettre de terre dans la nourriture, …





… puis on sort le cochon, le gâteau de châtaigne et plein d’autre bonne chose. Il rigole encore le cochon !





Quelques jours plus tard, le capitaine enfile ses chaussures de marche et saute dans un bateau à moteur qui file pour Omoa, l’autre vallée habitée de Fatu Hiva.





Sur trois miles vers le sud, ils ont longé une côte de falaises abruptes. Un domaine réservé pour les cochons, les chèvres … et des chasseurs. 



Arrivé à Omoa, le capitaine a pris la « route » pour revenir à Hanavave par l’intérieur de l’île.





Une marche de 5 heures sous un soleil de plomb, à l’abri du vent : ce n’est pas une vie de marin …





… mais les paysages traversés sont sublimes …





… et variés comme savent se présenter les anciens cratères de volcans.





Le mercredi 8 avril à 8h30 du matin, mes voiles sont envoyées dans un vent d’Est de 18 nœuds : cap au Nord-ouest vers Tahuata.


Un passager : Poï, sculpteur sur os. Sa femme est de Fatu Hiva et lui est de Tahuata. Régulièrement, il retourne chez ses parents pour aider au « jardin » (ramasser les pamplemousses, planter des citronniers, couper l’herbe et nettoyer sous les arbres). Ce n’est pas parce que l’on est sculpteur que l’on est affranchi des travaux de la terre.



Au grand largue, je fonce à plus de 8 nœuds : notre passager trouve que je vais aussi vite que le bonitier ! Un bonitier, c’est un bateau à moteur rapide qui assure le transport de passagers entre les îles. Le capitaine est fier de moi.



Après avoir doublé le Cap Tehopeotekeho et longé la côte sous le vent de l’île, nous entrons en baie de  Vaitahu. Les lignes sont à l’eau depuis Fatu Hiva mais la gente sous-marine me boude : grosse déception de Poï.







TAHUATA





Il y a de la place dans la baie de Vaitahu. Deux autres voiliers sont mouillés près de moi. Le débarquement se fait à un quai qui n’est pas protégé de la houle. Une digue est en construction : les travaux commencent tout juste.



L’église est ici aussi le centre de la vie. Elle est à côté du terrain de football et du terrain de pétanque, près de l’école et de la mairie. Aussi belle à l’extérieur …




… qu’à l’intérieur. Les pratiquants remarqueront qu’il n’y a pas de petit bans pour s’’agenouiller. Certes, mais le sol est une propreté irréprochable.




Il y a aussi un temple protestant. La concurrence entre les églises date de l’arrivée des européens en Polynésie. Le temple est plus discret et quasi à l’abandon !




Le quai est un des lieux des jeux de la jeunesse de Vaitahu. Jeux dans l’eau et sur le quai et j’entends les cris depuis mon mouillage.




Mais tout s’arrête d’un seul coup. Les enfants se passent à l’eau douce et se rhabillent. 


La « goélette » arrive. Ne cherchez pas le mat arrière plus grand que le mat avant : dans les îles, tout bateau de transport de marchandises et éventuellement de quelques passagers est une goélette. 
C’est Aranui 3. Il mouille près de moi : c’est notre première rencontre.



Le quai n’est plus une aire de jeu pour les enfants. Des choses sérieuses se préparent : déchargement des marchandises et expéditions des produits agricoles de l’île.
L’Aranui 3 est trop grand et a trop de tirant d’eau pour venir à quai : le transbordement se fait par des barges. La grue assemblée sur place pour la construction du port en construction est mise à contribution pour décharger les barges. La houle ne permet pas l’accostage.





La population de Tahuata est là, pour voir …






… ou pour aider aux manutentions.




Une pose entre deux rotations des barges …


…  puis une nouvelle panière est déposée sur le quai. Elle est immédiatement vidée pour être rechargée avec les produits agricoles. Il doit y avoir une organisation dans le déchargement mais le capitaine ne l’a pas vu.


Dimanche : Yves est parti en voiture à Hapatoni, distant de 4 km à voile d’oiseau. La majorité des 600 habitants de Tahuata vivent soit à Vaitahu, soit à Hapatoni.



Autour du pied d’un arbre majestueux qui se penche au-dessus de la mer, des pierres ont été ajustées par les anciens. Elles permettent de palabrer assis et à l’ombre ...
… et de jouer aux billes en attendant de devenir grand. 



Les jeunes d’ailleurs ne recherchent pas l’ombre : ils plongent et replongent dans le port, inventent des jeux …



 … et il n’est pas facile d’être la plus petite.


Le mercredi suivant, 15 avril, nous quittons Tahuata de bon matin. Les habitations disparaissent vite de la vue.


Je tire quelques bords dans le canal du Bordelais, entre Tahuata et Hiva Oa. En Marquisien, ce passage d’appel Haava. Il ne faut pas en conclure que bordelais se dit haava et chercher une bouteille de haava, quel que soit la cuvée.






HIVA OA - Deuxième visite




J’entre en baie de Taaoa (la Baie des Traitres en Français). Le capitaine a besoin de compléter ma cambuse et les magasins d’Atuona sont bien achalandés.



Au cours d’une promenade à terre, il croise un Marquisien. Ils parlent un peu de tout et de rien …



… et rentre à bord avec deux sacs de 15 kilos de fruits. Tous les espaces disponibles de mon bord sont envahis par la générosité marquisienne.



Avitaillement fait, nous repartons le dimanche suivant. J’embouque nouveau le canal du Bordelais, alias Haava, mais au portant cette fois-ci.



Nous rejoignons sur la côte nord de l’île en passant par l’ouest. Ici c’est le cap Kiukiu. Changement de décors : il est quasi pelé.


Nous approchons de la baie de Hanaiapa. Une cascade tombe directement dans la mer. Ce n’est pas tous les jours qu’un bateau voit une cascade : pour moi, c’est une première. Le capitaine ne m’a pas mis dessous pour que je prenne une douche


Nous entrons dans la baie Hanaiapa. Au fond dans la vallée du même nom, les maisons ne sont pas visibles.



L’entrée est gardée par la roche Fatutue, que tout le monde aux Marquises appelle « la tête de nègre ». Elle regarde les couchers de soleil chaque jour depuis très longtemps.



Seul au mouillage dans cette grande baie, je peux éviter autant que je veux et comme je veux autour de mon ancre.



Débarquement du capitaine sur la plage, dans les rouleaux qui ne sont pas trop féroce ces jours-ci. Les bateaux des pêcheurs sont en pleine mutation du bois vers l’aluminium.



Yves s'est promené dans les collines qui entourent la baie. Un peu partout des chevaux …


… et des chèvres. Elles terminent le cycle sonore d’une journée dans les vallées : de 5 à 7 heures : les coqs ; de 7 à 12 : les débroussailleuses ; de 12 à 15 : silence absolu ; de 15 à 17 : quelques moteurs de voitures ou de bateaux ; de 17 à 18 : les chèvres.


Le capitaine a pris la rue principale qui monte vers le fond de la vallée. Les poules ne se sentent pas en danger au milieu de la route.



Des plantes ornementales ont été plantées de chaque côté : les Marquisiens sont très attentifs à ce que tout soit beau.


Sur le bord de la route, une brouette abrite des sacs eux même posés sur une feuille de bananier ;  une paire de tong, une paire de « méduses », un pamplemousse : c’est le vestiaire des cantonniers.



L’équipe est à l’œuvre un peu plus loin : chaleur et pluies garantissent leur emploi pour longtemps.




Egalité des sexes : ce rude métier de plein air et de plein soleil n’est pas réservé aux hommes.



Les maisons ne sont pas sur le bord de la rue mais un peu en retrait, plus près de la rivière et au centre des arbres fruitiers. Au premier plan, un séchoir à copra avec toit coulissant.




Surprise : il y a un « Yacht club » à Hanaiapa !


Il est animé par William qui en est le seul membre. La raison d’être du Yacht Club est la tenue d’un journal ou les bateaux de passage mettent un petit mot, fond un dessin, agrafe leur carte de visite. Cela depuis plus de 15 ans. 
En repartant du club ou l’on ne fait que s’assoir pour parler, William rempli votre sac  des fruits de son jardin.



Le jeudi 23 avril, nous contournons la tête de nègre …




 … cap vers les îles des Marquises du Nord.








NANA*
*Au revoir



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