lundi 27 mai 2013

Puerto Rico

DE CUBA A PUERTO RICO



De Cuba à Puerto Rico, il y a  600 miles et l’alizée vient de face. Nous passerons tout d’abord entre Cuba et les  Bahamas, puis au-dessus d’Hispaniola (Haïti et République Dominicaine) et enfin sur la côte nord de Puerto Rico. Une fenêtre météo devrait nous permettre d’avaler cette remonté contre nature sans trop souffrir.

1er jour
A 6 heures du soir, ce jeudi 2 mai, j’attaque au près serré vers l’Est. Deux ris dans la grand-voile dans un vent de force 5, je secoue sérieusement le Capitaine. Pas pour longtemps.
Pour la première soirée et la première partie de la nuit, le vent reste à l’Est, mais il faiblit jusqu'à force 3. Toute la nuit, pluie et orages cachent la lune. Nous croisons quelques cargos. Puis le vent tourne régulièrement de l’Est au Sud-Est. La route s'incline de plus en plus pour réussir à passer entre Cuba et Bahamas.

2ème jour

Toute la journée du 3 mai, le vent tourne régulièrement vers le sud. A midi, nous sommes à 25 miles au Nord de la route, près de Brown Bank. Le capitaine se demande si nous n’allons pas passer entre Little Inagua et Great Inagua, deux îles du sud des Bahamas. Il faut que le vent continue à virer au Sud pour pouvoir passer sans tirer de bord. Deux manœuvres de prise de ris et trois pour remettre la toile : Yves se fait les muscles.     
Et le miracle se poursuit : à 6 heures du soir, nous passons Devil’s Point de Great Inagua ; à 20 heures, c’est Mathew Town qui est doublé. Ouf, nous abattons et prenons un cap direct vers Puerto Rico.



3ème jour



Le vent s’établit au Sud-Ouest vers 2 heures du matin. Et quand le jour se lève, mon genaker est mis à poste. Le ciel est toujours couvert, parfois il pleut, mais c’est facile à supporter quand on avance dans la bonne direction.




En début d’après-midi, le soleil apparait. Yves met sa tenue de Capitaine des tropiques (tenue sans galons bien entendu).
J’avale des miles vers l’Est sous genaker. D’après les Pilot Chart américains, la probabilité des vents d’Ouest sur cette zone est de 6%. Il faut profiter à fond de ce vent rarissime accordé par les dieux.




En fin de journée, fléchissement du vent et de ma vitesse. Ce qui permet de contempler le coucher du soleil assis sur le trampoline sans se mouiller.



Le vent tombe complètement et les moteurs sont lancés. Enfin, pas « les » moteurs, seulement le moteur bâbord : l’autre refuse de faire le moindre bruit



4ème jour


La nuit a été calme. Nous avons laissé la côtes d’Haïti et l'ïle de la Tortue derrière nous. Maintenant, nous longeons la côte Nord de la République Dominicaine. Elle est visible à l’horizon.



Aujourd’hui, c’est dimanche. Et comme c’est le premier dimanche de mai, je mets ma belle voile d’avant toutes en couleurs pour me tirer dans ce vent faible, un vent dominical.
A midi, le vent part déjeuner : le dimanche midi, il met vraisemblablement la poule au pot. Le spi est affalé et un moteur me fait avancer, tout comme ce voilier américain. Nous sommes à 25 miles au nord du Cabo Francès. Il n’y a toujours que le moteur bâbord qui démarre. Habituellement, le niveau de gas-oil est le même entre le réservoir tribord et le réservoir bâbord. Eh bien là, non. Et celui qui est presque vide, c'est celui du moteur qui fonctionne. C’est la loi de l’embêtement maximum. Le dimanche après-midi est en parti consacré au transfert du gas-oil de tribord à bâbord, avec un jerrycan de 10 litres.



Un petit visiteur à plus de 60 kilomètre de la côte : perdu, épuisé, ou les deux ? Il a fait une inspection complète de mon intérieur, a bu un peu d’eau, mangé des bricoles.
A 21 heures, nous passons Navidad Bank : les Bahamas sont derrière nous

5ème jour


Le régime des vents dominants reprend ses droits pendant la deuxième partie de la nuit : il vient juste de l’endroit où nous allons et je navigue au près serré.
Le petit oiseau est retrouvé mort dans l’atelier.



Nous sommes à la hauteur de la baie de Sabana que nous avons quitté en janvier. La navigation se fait toujours avec le GPS et la carte papier, faute d'énergie électrique pour l'ordinateur.


Vent faible toute la journée. Yves démare le moteur quand ma vitesse tombe en dessous de force 2 : se serait bien d’arriver demain.



Nous espérons contempler le dernier coucher de soleil dans le sillage de cette traversée.







6ème jour

 A 23 heures, le vent est monté et Yves a pris un ris dans ma grand-voile. Vers minuit, nous recoupons notre route du 17 décembre 2012. A 3 heures du matin, les feux de la côte de Puerto Rico sont en vus.
La 6ème journée commence sous le soleil.



Solide petit déjeuner : il y aura certainement beaucoup de manœuvres aujourd’hui et l’homme d'équipage prend des forces.



La croisière a été plus rapide que prévue : Yves n’a pas eu le temps de terminer son livre. Et aujourd’hui la navigation occupera toute la journée. Il n'y aura pas de place pour la lecture.



Dès 9 heures, des nuages noirs sont visibles sur Puerto Rico. A partir de 11 heures, ils sont sur nous et il pleut.

A midi, nous sommes à 3 miles de la côte mais à l’Ouest de San Juan. Nous tirons un bord vers le large puis revenons vers la passe de San Juan. Le vent passe de force 3 à force 6 : ma grand-voile est réduite au deuxième ris et quand le vent faiblit le moteur nous pousse.

Les défenses de la ville sont franchies sans coup de canon à 17 heures. La pluie réduit la visibilité et ne permet pas d’apprécier pleinement l’entrée dans ce site historique.
Sommes-nous en rade de San Juan où en rade de Cherbourg ?




PUERTO RICO - SAN JUAN




Je suis mouillé en pleine ville. Les pontons de la marina sont squattés par des bateaux à moteur beaucoup plus grand que moi.





D’un côté, le Hilton …





… de l’autre le Sheraton.
Les formalités d’entrée aux Etats Unis d’Amériques sont deux fois plus longues qu’à Cuba : 1 point pour le communisme. Il faut dire pour la défense des USA que mon capitaine n’avait pas de visa d'entrée. Et puis l’imprimante a fait des siennes, l’enregistrement des empreintes digitales ne sortait pas dans l’ordre prévu. Bref, c’est de la faute à l’ordinateur.



Puerto Rico est une colonie des Etats Unis d'Amérique. Le budget pavillon est doublé.



Le séjour commence sous des pluies torrentielles exceptionnelles : il y a des inondations en ville.


Le capitaine met à profit le mauvais temps pour travailler sur mon moteur bâbord. Le démarreur est démonté et confié à un spécialiste portoricain qui le rénove en moins de 3 heures, peinture comprise. Il est remonté et la panne rejoint le chapitre des souvenirs.



Sur le quai toute la journée passent  …




… de superbes camions …


… genre grand routier américain.


Les vaches regardent passer les trains (c'est connu).
Les bateaux regardent passer les camions (c'est moins connu).



Commerces, marchés, supermarchés, la consommation est partout.



L’éclairage n’est pas en reste. On dirait Miami ou San Francisco, non ?


Dans ce monde sans voiture Yves est un peu dépassé par les distances. Les transports en commun étant eux un parent pauvre.




Sauf pour les écoliers, bien sûr.





Point commun avec les autres îles des Grandes Antilles : le style de vie et la langue sont hispaniques.




Par contre l’équipement de la police est nettement US.



Il San Juan dispose d'une gamme complète de bâtiments administratifs : si un jour Puerto Rico est indépendant, l'immobilière d'état est en place.
Depuis longtemps d'ailleurs : les défenses de la ville dates de l’occupation espagnole. Ils avaient fait du solide.



Le phare a été ajouté : l’architecte militaire l’avait sans doute oublié.




Les soldats de garde sur les remparts ont changé de tenue depuis le XVIII siècle.
Peut-on leurs faire confiance pour repousser l’envahisseur ?




Au pied des remparts, si l’ennemi se présente, il disposera d’un terrain de basket.



Un champ … de bataille recyclé en terrain de cerfs-volants.





Les luttes sont féroces, les accidents inévitables …






… l’embrouille ne dure pas …




… et c’est reparti dans la paix, le vent répond toujours présent et il y en a pour tout le monde.


C’est beau une ville ; c’est grand aussi. Finalement trop grand pour le Capitaine : l’ancre est levée au petit matin après 13 jours d’escale urbaine.
La forteresse n’a pas bougé. Les pavillons ne sont pas encore hissés : il est 6h30.
Cap à l’Est, vers la Pointe San Juan au nord-est de l’île distante de 30 miles. Nous tirons des bords contre un alizé établi de force 5. Grand-voile à deux ris, il me faudra six heures pour atteindre ce cap.




Nous abattons pour passer entre la côte et l’îlot Icacos. La chaîne d’îles et d’îlots située à l’Est coupe la houle du large.




FAJARDO

Escale à l’îlot Marina : il est entièrement couvert d’immeuble. Plus précisément : les deux immeubles couvrent toute la surface de l’île. Sinon, il y en aurait trois.


Nous mouillons sous le vent, à l’abri derrière la mangrove et la barrière de corail. Ici aussi, il pleut. Autour de moi, des bateaux inhabités sur coffre : l’endroit a des allures « hors saison ».
Il y a une navette pour se rendre sur le "continent" : comme San Juan, Fajardo est très typé USA. Le centre-ville est à plus de 3 kilomètres. Les bus sont rares, les taxis également. Que de marche à pieds !

Six mois que nous sommes dans les îles des Grandes Antilles. Il est temps de retourner tremper mes dérives dans la mer des Petites Antilles et vers le sud avant que ne reviennent les cyclones.

mercredi 15 mai 2013

De Santo Domingo à Santiago de Cuba via Haïti

Départ de Santo Domingo



Mercredi 20 mars 2013, 8 heures du matin : Pallermo et Bernard m’ont largué les amarres qui me reliaient au quai de Santo Domingo. Petit temps sous le vent de l’île : moteur, puis spi, puis genaker … tout y passe pour me faire avancer.


C’est la première étape sur la route de Cuba : 50 miles. Nous longeons la côte sud de la République Dominicaine pour rejoindre Salinas, avec le passage de la Punta Palenque.



Après un dernier empannage, nous virons la Pointe Salinas et entrons dans la baie de las Calderas à 16h30. 

SALINAS

 
 
 
Mouillage devant le ponton d’un hôtel. Un trimaran de course y passe une retraite tranquille : il s’appelait Primagaz.



De mon mouillage, j’entends de la musique qui vient du village : c’est la fête, comme tous les ans à cette époque à Salinas. Nuits blanches en perspectives pour le capitaine.




La rue principale, qui serait l’unique rue si elle n’avait pas eu l’idée de se diviser en deux autour d’un pâté de maison.





Les idées remplacent les moyens : jamais roue de vélo n’aurait imaginé de finir en panier de basket !





Yves explore les alentours : la baie s’appelle Calderas et c’est vrai qu’il y fait chaud





Et le village s’appelle Salinas, eh bien c’est parce qu’il y a des marais salant. Fallait y penser !



La structure de l’usine est en bois : un matériau qui résiste bien à l’agression du sel. Et comme les pluies sont rares ici, la structure dure longtemps.




Le sel est plus blanc que blanc sans être lavé avec Omo. Les paludiers d’ici n’ont pas appris à faire du sel gris comme au Bourg de Batz !



Pas touche : c’est une usine à sel, pas un centre de distribution gratuit. Bien qu’avec un sourire, la réserve de gros sel du bord peut être remise à niveau.


Le lundi suivant, la fête du village étant terminée, plus rien ne nous retient à Salinas. Nous repartons pour une courte traversée de 30 miles vers Barahona.


Marie Morgane d’Alain a quitté le mouillage un peu avant nous. Je le rattrape  poussé par un vent d’Est de 12 nœuds. Nous avions rencontré une première fois Marie Morgane à Margarita, en juillet 2012. Elle était amarrée près de nous à Santo Domingo. Nous la retrouverons à Barahona.
Alain m’a filmé comme une star sur les marches de festival de Cannes : c’est vrai que sous grand-voile haute et genaker, j’ai de l’allure !

J’arriverai trois heures avant lui : à chacun son rythme de croisière.




Il faut dire que le vent portant et des carènes bien propres m’ont permis quelques pointes de vitesses.


Après avoir doublé la Punta Martin Garcia, nous approchons de Barahona : il y a un cargo qui navigue dans les terres ?
BARAHONA




Eh non, il est à quai au fond du port. Juste à côté, le Yacht Club.
 
Je suis mouillé à 30 mètres devant le mastodonte. Très vite, Yves s’aperçoit qu’il décharge du charbon. Attention au changement de direction du vent : pour l’instant, la poussière noire ne tombe pas sur moi. Mais ça ne va pas durée.



Ici, il y a un Malecon, comme dans toutes les villes côtières de la République Dominicaine… … et les familles en profitent.








Jeux pour les enfants, bancs pour les adultes, orchestre pour tous ceux qui le veulent : c’est le Malecon





Le charbon à forte dose n’étant pas le truc du capitaine, nous quittons Barahona le 29 mars après quatre jours d’escale. C’était notre dernier port en République Dominicaine. Les formalités de sortie ont été faites la veille au soir, dans la douleur : l’officier des garde-côtes avait sans doute besoin d’argent pour le week-end de Pâques. 




Comme dans beaucoup de pays, le dernier « au revoir » est pour les pêcheurs au travail dès le lever du jour.
Dès que nous sommes dégagés de la côte, le vent d’Est met toute sa puissance dans mes voiles pour la descente vers l’île Beata, à l’extrême sud-ouest de la République Dominicaine. Au total, 200 miles à courir avant l’île à Vache.

Le foc a remplacé le genaker et Yves a pris 2 ris dans la grand-voile. C’est suffisant pour m’emporter à une vitesse …





… plus qu’honnête pour une navigation de croisière. 16,4 nœuds, c’est dans les surfs : la mer formée.



L’île de Beata est doublée à 15 heures. Aujourd’hui, l’état de la mer ne permettrait pas d’y faire escale.


L’alizée étant fort, mon capitaine met le cap au Nord-Est après Beata pour passer la nuit dans un calme relatif plus près de la côte de Haïti. Vers deux heures du matin, le vent faiblit.


Le vent est très faible à nul toute la matinée, puis revient dans l’après-midi. Premier contact avec un haïtien : il descend sa voile et vient à la rame nous demander de l’eau. Il fait chaud en mer sous les tropiques !



Jusqu’à l’entrée du canal sud de la Baie des Cayes, nous croisons plusieurs barques de pêche, toutes naviguent à la voile et elles sont rapides. C’est le moment que choisi le convertisseur 12 volts / 220 volts pour se mettre en grève.





En fin d’après-midi, nous entrons dans la baie à Féret.

ILE A VACHE EN HAITI

 
 
 
Je suis mouillé au fond de cette baie, qui est un véritable port naturel.


Aussitôt, des haïtiens à bord de pirogues viennent proposer leurs services. Nous repartirons allégés des bouts de toutes les tailles et de toutes les couleurs qui se trouvaient au fond des équipets du bord.




Le lendemain, c’est Pâques. Et ce jour-là, il y a régate ! Départ de la plage : la musique remplace le coup de canon mais tous les bateaux partent au même moment.




Le premier revient trois heures plus tard : l’arrivée est à la plage comme le départ. Tous les bateaux arrivent dans mouchoirs de poche …




… puis se reposent pendant que les équipages refont la régate.





Le village est visible juste derrière la plage : des cases le long des sentiers de sable.





Le chantier naval, comme Saint-Nazaire, mais sans les grues.
L’escale en Haïti était la dernière halte sur la route de Cuba. L’ancre est levée le lundi matin 1er avril à 7 heures. C’est vrai.
Saint-Nazaire a des bateaux-pilotes, ici il y a une pirogue-pilote pour me guider vers le sortie de la baie. Merci et au revoir jeunes navigateurs.
C’est reparti à vive. Grand-voile à deux ris et foc, je fonce vers l’Est. L’île à Vache disparait très vite sous l’Horizon.




Au programme 190 miles pour traverser le WindWard Passage, le Passage du Vent. Allons voir pourquoi les anciens l’ont baptisé de ce nom.


A midi, Pointe à l’Acabou, Pointe Carrefour, Pointe à Gravois sont doublées. Nous sommes devant Port à Piment et nous nous approchons de la baie des Anglais et du village du même nom. Que des jolis noms en français : ça nous change.

La navigation se fait « à l’ancienne » : l’unique appareil dont le bord est équipé pour faire du 220 volts est définitivement hors d’usage. Impossible de recharger l’ordinateur : plus de cartes électroniques et ni de logiciel de navigation. Règle Cras et carte papier prennent position sur la table à carte.


En fin de journée, nous passons entre Navassa Island (une possession Américaine) et le Cap Tiburon, pointe Ouest d’Haïti et d’Hispaniola. Nous croisons la route Panama – Atlantique Nord que prennent les navires de commerce.




Le capitaine veille : je passe, je ne passe pas ? Le cas échéant, il modifie ma route.




En général, il me fait passer derrière. Respect pour les gens qui travaillent.



Je me traine toute la nuit et la journée suivante entre 3 et 5 nœuds. Le vent est tombé pour notre traversée du WindWard Passage.


A 17 heures, nous entrons dans la rade de Santiago de Cuba, gardée par une forteresse : El Castillo del Morro. Construit en 1638, il est inscrit au Patrimoine Mondial de l’Humanité.