mercredi 19 novembre 2014

LE PANAMA, COTE PACIFIQUE

PANAMA CITY




Mes coques trempent maintenant à l’Ouest du Pont des Amériques : un autre océan est devant nous.


De nombreux navires sont sur rade devant Panama City. Comme coté Atlantique devant Colon, ils font la queue pour passer le Canal. Ou bien attendent-ils que l’armateur envoie de l’argent pour le passage ?



Moi, je suis au mouillage derrière l’île Perico et l’île Naos. Ce ne sont plus des îles : le remblai du canal les a reliés au continent pour former une longue presqu’île, lieu de promenade dominicale des familles panaméennes. 


Toute une communauté navigante vit ici. Certain travail en ville pour renflouer la caisse de bord, d’autres travaillent à bord pour disposer d’un bateau sûr pour traverser le Pacifique, d’autres encore regardent passer les nuages et profitent des plaisirs de la ville.



Depuis le mouillage, j’ai une vue imprenable sur la ville, de jour …



… comme de nuit. Les immeubles sont bardés de feux de mouillages, surtout le soir.



Je peux également voir les navires qui passent le canal, de jour comme de nuit, inlassablement.


Tout près, un musée qui peut faire un amer unique, surtout quand le ciel est gris. Le capitaine a voulu le visiter, mais c’est encore trop tôt : le peinture extérieure n’est pas terminée.



Il y a beaucoup d’oiseaux qui me tournent autour et fatalement mon balcon avant devient perchoir … 


… le cockpit aussi …





puis le tangon devient salle à manger …




… et l’annexe une dépendance appréciée pour sa tranquillité …


… Les aigrettes ne sont pas les seules à apprécier ma stabilité : les pélicans aiment aussi venir y faire la sieste.


Les orages sont quotidiens : nous sommes en aout et c’est la saison des pluies. 



Le capitaine veut voir si les nuages s’aventurent en mer.

Les destinations sont nombreuses tout autour de Panama City. Nous avons commencé par îles les plus proches dans le sud.









ILE DE TABOGA




Tout d’abord l’île de Taboga : elle est visible depuis Panama City. Un slalom parmi les navires de commerce au mouillage …



… et nous y sommes : elle est à 7 miles de notre mouillage de Panama City.


7 miles pour changer de monde : plus de bus ni de taxi, plus de voiture ou presque (il y en a deux).  Quand croise quelqu’un sur le quai, on se dit bonjour et on fait un brin de conversation. 


C’est notre première île du Pacifique. Gauguin également y a séjourné, après avoir travaillé sur le chantier du Canal. 
Il savait choisir ses îles cet homme-là. La suite du voyage nous le confirmera certainement.


Après quelques jours à Taboga, retour à Panama City. Les navigations se font presque entièrement aux moteurs : le vent n’habite pas par ici.







ILE DE BONA






Cap sur l’île d’Otoque, à 20 miles dans le sud. Il n’y a aucun mouillage praticable de jour-là autour de l’île, …



… nous continuons vers l'île voisine. Dans le passage entre les deux îles, des pêcheurs et … des baleines. Chacun vaque à ses occupations, sous un parasol d’oiseaux. 



Une petite crique calme à la pointe nord de l’île de Bona : mon capitaine peut me laisser seul 


… et ramer jusqu’à terre ferme. 

Même mouvement puissant, même regard perdu dans le lointain des pêcheurs de morue dans leurs doris sur les bancs de Terre Neuve, les mains gelées rivées au bois des avirons ... 
Stop : celui-ci n'a pas les mains gelées.



Les restes d’une épave sont les bienvenus pour amarrer l’annexe. Ça fait un peu tache dans le paysage quand même.




A l’intérieur de l’île, c’est tout de suite une jungle impénétrable …


… réservé aux explorateurs aguerris et bien équipés. Mon capitaine n’ira pas loin sans machette et en tongs.



Nous repartons en rasant l’île d’Estiva pour voir sa grotte de près.


Puis nous passons devant le village d’Otoque Occidente sur l’île d’Otoque. C’est plus calme aujourd’hui, sans doute parce que c’est dimanche. Même le dimanche on peut dire des âneries.


Retour à Panama City pour profiter des atouts culturels d’une grande ville (je répète ce que dit mon capitaine puisque moi je n’en profite pas), puis l’envie de bouger le reprend. 






RIO CHEPO



Nous partons remonter le Rio Chepo cette fois, à 25 miles vers l’Est. 
Yves rêve de remonter une rivière équatoriale : tant que nous ne l’aurons pas fait, il ne me laissera pas tranquille. 



Nous contournons l’île de Chepillo par l’Est, passons devant le village qui se trouve au sud de l’île, 


… et entrons dans la rivière en fin d’après-midi. La mer commence à descendre, le plus sage est de mouiller et d’attendre demain pour entreprendre notre intrusion dans les terres.
Au lever du jour, la mer est haute de nouveau (ça n’arrête pas, deux fois par jour la même chose !). Le capitaine décide d’attendre la basse mer et la renverse du courant pour entreprendre la remontée du Rio Chepo. Et surtout, en cas d’échouage, mieux vaut une marée montante pour se déséchouer. Nous naviguons dans des zones non-cartographiées.




Passe devant nous les embarcations qui sortent du fleuve comme des fusées, propulsées par le courant. 




Les branches des palétuviers se dégagent petit à petit de la surface de l’eau …
… puis il n’y a plus du tout d’eau au pied des palétuviers. La berge se rapproche de moi.
La grève est libre d’accès pour toutes sortes d'animaux. Passage d’un coati nasua (appelé au Panama Gato Solo : le chat solitaire) qui cherche et trouve sa nourriture dans le sable mou. Il fait très attention à ne pas salir sa fourrure






La marée est basse, mon ancre est relevé et nous commençons la remonté de la rivière. 
Dès qu’une embarcation locale passe, nous la suivons un moment …
… puis quand elle nous a distancée, il faut se débrouiller tout seul. Une fois à droite, une fois à gauche, parfois au milieu, suivant les méandres qui sont soumises à un courant alternatif d’une fréquence de 6 heures. Je toucherai le fond de la pointe de mes dérives trois fois. La manœuvre qui en suit est toujours la même : remonté des dérives, marche arrière, passage par la rive opposées.



En fin d’après-midi, nous arrivons à la hauteur du chantier naval de Bayano, à 15 miles de l’embouchure.

Il fait chaud et humide, il n'y a pas de vent. L’endroit n’a rien de réjouissant, avec des embarcations qui attendent le prochain déluge sous la pluie. 
Ce n’est pas ici que je sortirai de l’eau pour passer un nouvel antifouling !




Le matin suivant, retour vers la mer sous un ciel dégagé. 



Le courant sortant est plus puissant que le montant, j’avance à plus de huit nœuds.



Je vais tellement vite que les oiseaux sont surpris et décollent au dernier moment à mon approche.


La rivière est descendue sans aucun échouage. Nous avons suivi la trace d’hier en évitant les hauts-fonds maintenant connus du capitaine. C’est à la fin, comme dans les films à suspens, que tout bascule.
Nous étions sortis du Rio Chepo. Entre l’estuaire et l’île de Chepillo, j’ai touché le fond. Le capitaine a relevé mes dérives et mis le cap dans une direction ... qui n’était pas la bonne. Cette fois-ci, se sont mes coques ont touchés le fond. La marée a continué sa descente imperturbablement. 
Pourquoi n’a-t-il pas suivi la même trace qu'en entrant ? C’est pourtant simple non !


Bon, nous ne sommes pas pressés ; quand la mer a fini de descendre, eh bien elle remonte à tous les coups. 
Entre nous, les bateaux ont bien le droit d’aller à la plage de temps en temps.



En fin d’après-midi, nous sommes repartis. Avoir de l’eau sous les coques, c’est quand même plus agréable. Avec la nuit, nous mouillons à Panama City.







Quelques jours en ville (avec ses tentations et ses dangers dont je ne peux rien vous dire : je reste au mouillage moi) puis nouveau départ pour un archipel qui fait rêver : Las Perlas.






LAS PERLAS


C’est dans cet archipel qu'a été pêché « Peregrina », perle de 31 carats de la Reine Marie Todor. 
D’où son nom (à l’archipel pas à la perle ni à la Reine) ? 
Le capitaine cherche toujours l’endroit idéal pour me poser sur une plage et me passer quelques couches d’antifouling sous les coques. Nous allons visiter six îles.




Un vent léger nous pousse pendant cette traversée de 40 miles. J’ai montré mon spi à l’Océan Pacifique. 



Première île visitée : Bayoneta. Mon ancre est crochée entre les îles de Bayoneta, Vivienda et Malaga.

Un connaisseur des Perlas avait dit au capitaine que c’était de l’endroit idéal pour me poser sur le sable pour mon carénage annuel. Nous attendons la marée basse pour savoir si le fond est confortablement et si je pourrai m'y poser en douceur.


Pour la douceur, pas de problème : c’est calme, protégé de toutes parts. Mais pour le confort,  il y a soit des cailloux, soit du sable trop mou. Nous allons voir ailleurs.



L’île de Casaya. Le capitaine me positionne entre cette île et l’île d’Ampon.



Peu de plage au pied des palétuviers. Le mauvais temps tropical s’en mêle : mini tornade …



… pluies abondantes, découragent mon capitaine de m'échouer ici.



Après qu'Yves ait fait le tour de la baie à la voile (avec l’annexe), nous repartons le lendemain aux moteurs : les distances entre les îles sont courtes et le vent généralement absent en cette saison. Les Volvo me propulsent.


Entre les îles, hauts fonds et roches isolés sont nombreux, les courants de marée surprenants, un peu comme en baie de Morlaix. 



Passage entre Mina et Viveros. Le courant contraire m'oblige à pousser à fond mes deux moteurs pour passer le goulet.
Nous arrivons à l’île Pedro Gonzales sous un grain et mouillons près d’une marina qui n’existe pas sur les cartes : elle est tellement neuve qu’elle n’est pas encore ouverte. Une heure plus tard, nous sommes priés, gentiment mais fermement, de quitter cette baie : elle est privé. Le capitaine obtempérera dès le lendemain matin.
Nouveau mouillage dans la baie voisine, près du village. Yves se rend à terre acheter quelques fruits et légumes. Au village, il apprend que l’île a été vendue. Les propriétaires investissent dans du tourisme très haut de gamme : construction d’hôtels plus étoilés qu’un amiral en fin de carrière. La tension avec les autochtones est perceptible : ils ne sont plus chez eux sur leur île.


Le capitaine tente « naïvement » de visiter : quelques centaines de mètres sur la route et une jeep vient lui rappeler gentiment mais fermement que l’île est privée. 
Pedro Gonzalez est peut-être belle mais interdite : ça gâche tout. Nous repartons en fin de journée.



Route vers le nord.
Après le passage entre Mogo Mogo et Chapera … 




… mon ancre croche face à une plage de cette dernière, juste avant la nuit. 
Au matin, j’ai la visite de baleines.






Elles sont deux (un couple ?) dont …
… une qui fait le singe. Faire le singe pour une baleine, c’est juste faire de grands ploufs : elles ne se balancent pas aux branches avec les nageoires.




A côté du balai des dauphins, les mouvements de la baleine sont lents, ce qui permet au chasseur d’image amateur de les saisir hors de l’eau.
Un au revoir de la queue. 
Nous croiserons souvent des baleines, dans et autour des îles des Perlas. 




En route pour Contadora. Mais attention capitaine, les mouettes ont pieds ! 
Je vais toucher le fond.



La ruse : elle a lu Peyton (note pour les non-littéraires : Plaisir d’Humour ne Dure qu’une Marée de Myke Peyton chez Voile/Gallimard – épuisé).



Contadora : l’île civilisée des Perlas. Je profite des facilités : je suis amarré sur un coffre.



Une plage avec des palmiers : autre preuve de l’intervention humaine. Les autres plages des Perlas sont avec des palétuviers.



A terre, la route bitumée a une ligne jaune continue : il est rare que des véhicules doivent se doubler, mais bon ...



La ligne jaune a la bonne idée de contourner les arbres. Attention les motards qui suivent la ligne jaune tête baissée…



A Contadora, un navigateur qui connait bien les Perlas a dit à Yves d’aller m’échouer à Mogo Mogo. Nous voilà de nouveau en route au travers de l’archipel.



Mogo Mogo : tout le monde a vu cette île à la télévision. 
C’est ici qu'ont été tournés les exploits des héros de « Survivor ».



Fidèle à son idée (une manière de dire qu’il est têtu), le capitaine vise la plage et il m’y pose.



Personne : pas d'odeur de crème solaire, pas une serviette de bain, pas un parasol, pas un crabe.



Les seules traces de pas sont celles de mon capitaine.



Heureusement, il y a la visite des iguanes. Sinon, je me sentirai vraiment seul.
Pour mon carénage, c’est partie remise. Mes coques sont trop près du sable malgré les sacs placés sous mes étraves et les tôles en aluminium sous mes skegs. 
La « petite » qui en profite : comme moi, elle a maintenant une bande bleue sur chaque bordé. Très class.

Dès que la mer remonte, je quitte la plage. 
Quant au gens de « Survivor », je ne les ai pas vus : ont-ils été dévorés par une bête sauvage ? Se sont-ils entre tués ?  Il faudrait que l'on ait la télé pour savoir.


Retour à Panama City. Les bateaux de pêche servent de perchoir aux oiseaux. Sans bateaux, comment ferait ces oiseaux de mer ?



Sur ce navire improbable, pas un oiseau. Les perchoirs ont été oubliés par l’architecte, à moins que l’argent ait manqué sur la fin du chantier.


Me voilà de retour au mouillage à Panama City. Le capitaine a échangé des billets verts contre des fruits et des légumes verts mais aussi rouges, jaunes ou blancs, puis …









… ce lundi de septembre, départ cap au sud pour l’Equateur, de l’autre côté de l’équateur.


Au revoir Panama ...
... après quatre mois d’escale chez toi.





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