TAHITI
Le 21 juillet 2015, je franchis la passe de Papeete.
Ravis d’être à l’abri dans le lagon : le ciel est menaçant dehors.
Je poursuis sur 4 miles vers le sud. Nous longeons l’aéroport de Faaa – Tahiti.
Par VHF, le capitaine demande l’autorisation à la vigie de croiser les extrémités de la piste. Ce serait bête qu’un Airbus 380 me décapite la girouette de tête de mat.
L’ancre est mouillée à Outu Maoro, dans le lagon de Punaauia.
Nous ne sommes pas seuls, mais vraiment pas seul du tout. Papeete a la côte chez les navigateurs et son lagon est rempli de voiliers.
La houle de sud-ouest est très forte. Les vagues déferlent par-dessus sur la barrière de corail. Le lagon en devient très agité. Dans Marina Taïna, des planches des pontons sont arrachées.
La situation est exceptionnelle parait-il !
Trois jours plus tard, le lagon est toujours aussi agité. Le capitaine décide de me conduire dans un endroit plus confortable. Retour vers le nord et entré dans le port de Papeete.
A la marina de Papeete : c’est le grand calme.
J’y aperçois Idéfix au ponton. Nous avions passé ensemble les écluses du canal de Panama, il y a un an
La marina est toute neuve : elle a été inaugurée il y a trois mois. Le capitaine m’a placé les étraves face au quai.
C'est ici que Joshua à Bernard Moitessiers étaient à quai. Joshua était dans l'autre sens et la quai d'aujourd'hui n'est plus le quai de cette époque.
Dès le lever du jour, hommes, femmes, enfants de Papeete défilent devant moi.
Sportifs, promeneurs, bande de jeunes, amoureux, invalides, nouveaux nés … je vois tout ce monde et c’est bien agréable après tant de mouillages isolés.
Yves m’a mis ma visière bleue autour du mat pour me protéger du soleil et des averses.
J’écoute toute la journée les moteurs de voitures, les sirènes des pompiers, ... : la vie citadine du XXIème siècle.
Avec la nuit, le silence revient.
De l’autre côté de la rue, devant son jolie parc, le comte Louis-Antoine de Bougainville me surveille jour et nuit, d’un regard de bronze.
Je ne sais pas où est sa « Boudeuse ».
Le trafic portuaire est important : porte-containers, pétroliers, voiliers de croisière …
En toile de fond les pics de Moorea.
Plusieurs fois par semaine, des paquebots font escale. Ils me bouchent un peu l’horizon mais ils ne me font pas d’ombre.
Des grands yachts relâchent ici ; ils ont un quai pour eux.
Je retrouve celui qui a un petit hydravion sur son porte-bagages.
Mon vieil ami l’Aranui III passe lui aussi dans le port. Il rejoint ses copains un peu plus loin au quai de Motu Uta.
Bref, je ne me suis pas ennuyé à Papeete : le port est animé.
La majorité de mes compagnons de ponton sont anglo-saxon : américain, néo-zélandais, australien, anglais, ...
Ils sont forts sur les jeux de mot franco-anglais pour baptiser leurs bateaux. Après « Sail La Vie », j’ai vu « Sea Rose ».
Le capitaine a mis plusieurs jours avant d’éclater de rire. Le temps pour lui de comprendre qu'un nom de bateau peut être un jeu.
La ville de Papeete, c’est la capitale de la Polynésie Française. Il y a donc une vaste avenue à double voies devant …
… les imposants bâtiments du gouvernement, des ministères, des représentants du peuple.
Mais il y a aussi des rues plus simples avec des voitures et des camions qui vont, qui viennent, qui cherchent une place pour se garer, puis qui repartent, reviennent ...
Derrière des noms de rue se cache l’histoire du port.
Les jeux de mot sur les noms de rue n'existent pas encore.
Capitale certes, mais de Polynésie.
Les fleurs sont donc très présentes dans les échoppes …
… les arbres font de l’ombre à ceux qui s’assied pour regarder et discuter.
Mais c’est une grande ville et tout la monde n’a pas une place assise à l’ombre.
Pas grave, c'est l'hiver.
Le marché, propre comme un sous neuf, est à côté du port.
La fleur à l’oreille est de mise pour la commerçante. Au supermarché elle fait partie de l’uniforme de la caissière.
Yves a peu visité l’intérieur de Tahiti. Il en a fait le tour et a trouvé le côte bien envahi par l’urbanisme.
Et puis, il doit s’occuper de moi.
Je fais l’objet de beaucoup de soins. Sous la flottaison d’abord. Le safran endommagé à Makemo est dépouillé, redressé à la presse …
… puis de nouveau remis en forme à grand coup de résine époxy.
Dans la même opération, les biellettes de barre sont démontées et remises à neuf : inox sur alu ne font jamais longtemps bon ménage.
A l’intérieur ça bouge (sens figuré).
Le réfrigérateur donnait des signes inquiétants de vieillesse : porte capricieuse, gros appétit en électricité pour de moins en moins de froid. Il est débarqué sur le « Ty Breizh » à Daniel et remplacé par un neuf provenant d’Australie.
La robinetterie de chez « Casto » supporte mal l’air marin. De plus elle encombrait l’évier.
Des robinets muraux beaucoup plus pratiques dominent maintenant l’évier, de chaque côté du porte-savon, aérien lui aussi.
Le revêtement de sol était de l’imitation bois en plastique et cela indisposait le capitaine (sur le plan psychologique).
Du bambou tressé gavé de résine lui caresse maintenant la plante de pieds : il se sent mieux dans sa tête !
Dans le carré toujours, les coussins ont pris une couleur locale. Ils se marient bon grès mal grès avec les tissus andins des assises.
Nous sommes dans une zone d’influence directe de la République Française ; le Haut-Commissariat de Polynésie Française a fait un passeport neuf au capitaine.
La mésaventure de l’Equateur peut être oubliée.
Sur le pont, j’ai plusieurs nouveautés.
Une ancre de chez ancre : une Rocna de 33 kilos, au bout de 80 mètres de chaîne de 10 neuve, ça vous tient un bateau.
Fini les nuits d’inquiétude dans les mouillages ventés.
Les quatre petits hublots ouvrant qui égaillaient mon pont laissaient passer un peu l’eau. Ils n’étaient plus utiles pour la lumière ni la ventilation.
Le verdict est tombé : remplacement par des plaques d’aluminium.
Le soleil, la pluie et les embruns m’avaient terni mes belles boiseries. Je n’en n’ai pas beaucoup mais j’y tiens.
Grattage, ponçage et huilage pour les cale-pieds, main-courantes et barres me redonnent la classe d’un yacht monégasque.
Lee Sail, le voilier de Hong-Kong, m’a fait un genaker. Après une traversé de l’océan Pacifique en avion, ma nouvelle voile atterri à bord après être passé par les filtres onéreux des douanes.
Me voilà habillé pour les prochaines navigations.
Le gros chantier, celui qui m’a bloqué à quai pendant plus de deux mois au quai de Papeete, c’est celui des moteurs. Depuis plus de deux ans, il y avait des fuites dans le circuit de refroidissement. Bien sur ces fuites s’en sont prises au circuit électrique … Bref, il fallait opérer. Après des tentatives infructueuses de restauration des échangeurs, mes moteurs passent en refroidissement directe par eau de mer. Les nouvelles pièces viennent des USA et passent par les filtres onéreux des douanes.
C'est beau un coucher de soleil sur un moteur.
Je suis de nouveau prêt à affronter les océans quant Guy arrive à bord.
Je l’avais accueilli au Sénégal et secoué jusqu’au Cap Vert. Pas rancunier, il est de retour et retrouve sa cabine à bâbord.
Les photos qui suivent sont à mettre à son crédit.
C’est donc rajeuni (ou lifté ?) que je franchis la passe de Papeete le 28 octobre au petit matin.
Cap sur Moorea, qui sert de décors aux levers du soleil vu de Papeete.
Comme il se doit, les sommets ont mis leurs bonnets de laine blanche.
La navigation d’une quinzaine de miles vers l’Est-Nord-Est rondement menée. Juste ce qu’il faut pour un jour de reprise.
MOOREA
Deux heures et demie plus tard, mes étraves se présentent face à la passe d’Avaroa …
… et nous entrons dans la célèbre baie de Cook.
Rançon de la gloire : les complexes hôteliers ont poussé le long du lagon et dans la baie elle-même.
La chambre sur pilotis semble est un must !
Il reste toutefois quelques plages libres d’accès.
Les vahinés peuvent ainsi perpétuer le mythe polynésien.
Après avoir mouillé la première nuit dans le lagon près de la passe, le capitaine me positionne tout au fond de la baie, près d’Otumai …
… aux pieds des monts basaltiques qui ceinture la baie.
Les pics fièrement dressés dans le ciel, jouent dans le monde des nuages et arrosent les vallées gorgées de végétation.
Guy et Yves ont remonté la vallée de Paopao par la Route de l’Ananas. De chaque côté de cette route, sans surprise, il y a des champs d’ananas à droite …
… comme à gauche. D'où son nom ?
Le cultivateur parait noyé sur ses terres.
Toute la panoplie de fruits de Polynésie est représentée dans la vallée : mangue, papaye, corossol, citron, pamplemousse ... et bien d'autres au nom barbare.
Les fleurs ne sont pas oubliées.
Leur nom est inconnu d’Yves, que ce soit en français, en tahitien ou en scientifique.
Ce qui est certain, c’est qu’elles sont de toutes les couleurs et de toutes les formes imaginables.
Partout, l’entretien des terres est irréprochable. Les débroussailleuses et les râteaux œuvrent chaque jour.
A côté de moi, il y a le quai des pêcheurs de Paopao. Comme beaucoup de pêcheurs de la planète, ils partent le matin et reviennent le soir à bord de leur Marmara puissamment motorisé.
Les acheteurs viennent sur le quai et après une négociation très rapide, repartent avec le poisson.
Ceux qui ne naviguent pas tous les jours sortent le bateau de l’eau pour conserver une carène impeccable.
L’échafaudage de sortie de l’eau est plus solide qu’il n’y parait
Le jeudi 29 octobre dans l’après-midi, l’ancre est sur la poutre.
Nous quittons la baie de Cook pour visiter sa voisine, la baie d’Opunohu.
Au fond, le même pic que dans la baie de Cook. Sur la berge, le même type d’hôtel.
Des historiens disent que c’est dans cette baie que James Cook mouillait sa flotte.
Elle serait la plus calme, la plus belle : c’est peut être ces arguments qui avaient convaincu Monsieur Trigano d’y installer un Club Med.
Après un petit tour jusqu’au fond de cette baie puis, sans même faire mine de mouiller pour la nuit, et mes étraves pointent vers la passe Tareu.
Cap est mis sur les Iles Sous Le Vent.
Nana.
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