Lundi 19 septembre 2016
Je fais route vers Mbanika Island, dans les îles Russel. Depuis le départ, le vent me boude.
Nous sommes repassés par Honiara pour avitailler beurre, farine, café, bonbon et télécharger des photos satellites qui pallient aux imprécisions des cartes.
La journée est calme à très calme : le vent monte à 8 nœuds dans les rafales qui sont rares.
Un voilier sans vent avance autant qu’une voiture sans essence. Je fais route aux moteurs parmi des dauphins qui sautent de joie à mon passage.
Enfin d’après-midi, je passe une série d’îles et d’îlots : Kisan, Fonagho, Kulokulo, Nasaun, Lamon (sur la photo), Telin, Raun.
Que des noms faciles à mémoriser par des moyens mnémotechniques.
A 17 heures, j’entre dans le Kokolaonohol Sound (Anse du Renard) et nous passons devant le village de Yandina.
Le capitaine mouille mon ancre à la fin du village, dans le seul endroit où les fonds sont inférieurs à 6 mètres.
Partout ailleurs ils plongent à plus de 50 mètres.
YANDINA
Le lendemain mardi, c’est le jour du marché. Le capitaine débarque.
Sur le chemin qui conduit au centre de Yandina, il voit plusieurs bâtiments abandonnés.
Il y a du monde au marché, mais peu de produits à vendre. Il faut dire qu’il est parti à terre à 9 heures : c’est peut-être très tard ici ?
Le jour de marché c’est le jour où les gens de l’île se retrouvent.
Rendez-vous à ne pas manquer pour être informé de tout et de rien.
La gare maritime et derrière les bureaux des administrations : Yandina était un port d’entré aux Salomon.
Mais maintenant il n’y a plus ni douanier, ni agent d’immigration.
Un peu partout, des friches industrielles attestent d’une activité passée.
En 2006, la « Compagnie » a fait faillite.
Autour de Yandina et sur toutes les îles voisines, ce ne sont que plantations de cocotiers.
Ici il y avait une usine pour traiter le copra et faire de l’huile. Mille personnes y travaillaient.
Les gens en parlent comme si le départ de la compagnie datait d’hier. Dix ans plus tard, la population est encore sous le choc de l’arrêt d’activité.
La nature reprend ses droits dans les cocoterais, qui appartiendraient toujours à la « Compagnie ».
Les yandinais ont refait des jardins pour se nourrir.
Les jardins sont souvent éloignés. Le matin, c’est le départ des pirogues vers le fond de l’anse. Puis ils continuent à pieds dans les collines.
Les enfants s’amusent avec les pirogues comme d’autres avec les trottinettes.
Je suis une attraction pendant deux ou trois jours, puis ils m’intègrent dans l’aire de jeu.
Les jeunes demoiselles excellent dans le troc : quelques fruits ou légumes contre un bonbon.
Pour ne pas créer de dispute, le capitaine donne un bonbon à chaque enfant présent dans la pirogue. Rapidement, ils viennent en délégation proposer deux tomates ou trois noisettes.
Mercredi 28 septembre
Nous levons l’ancre à 14 heures.
Un fidèle admirateur m’accompagne vers la sortie de l’anse.
Les habitants de Yandina sont désemparés comme un équipage sans bateau. Espérons pour eux que l’avenir ne sera pas un long passé.
Le capitaine prend le chemin des écoliers pour rejoindre la haute-mer.
Nous allons contourner Mbanika par le nord pour visiter passes et chenaux.
Sous grand-voile haute et foc, je navigue parfois tribord amure, parfois bâbord amure, parfois au près, parfois au vent-arrière.
Dans ce labyrinthe maritime, le transport par pirogue est roi. Salutations et sourires des équipages quand nous nous croisons.
En fin d’après-midi, nous sortons de Sera Me Ohol (Sunlight Chanel en anglais) Channel et passons au sud de Roton Island.
Une légère houle devient perceptible : la mer libre approche.
Au coucher du soleil, nous sommes dégagés de toutes les îles.
Un vent de Sud-est à 12 nœuds me pousse vers les îles du groupe New Georgia.
Jeudi 29 septembre
Le vent et le ciel font des caprices toute la nuit, au gré des grains.
A 2 heures du matin, le capitaine me met sous foc seul, confie ma conduite au pilote et la veille au radar. Il dort jusqu’au lever du jour.
A 9 heures, le vent se stabilise et j’avance sous grand-voile et génaker.
L’île Morton est doublé à 11 heures : nous sommes dans Blanche Channel.
Il est trop tard pour continuer vers Munda comme prévu. Le capitaine décide de s’arrêter à Viru Harbour.
C’était là que les japonais avaient installés leur
quartier général pendant la 2ème guerre mondiale.
L’entrée n’était pas facile à trouver à cette époque pré-GPS.
Une passe en chicane d’un demi mile donne accès à un véritable lac marin.
Même un monocoque ne peut pas ici, comme à son habitude, rouler bord sur bord.
Le capitaine me mouille à 50 mètres du quai de Tetemara, au pied du village.
VIRU HARBOUR : TETEMARA + TOMBE
Je suis au première loge pour suivre l’activité portuaire en direct-live.
Le trafic est celui des pirogues : elles rident à peine la surface de l’eau.
Les grandes plantations de cocotiers ont disparu.
Ici l’économie est dominée par l’exploitation forestières : une autre "compagnie".
Le bois est roi : le quai fait de troncs d’arbre , …
… les maisons sont en planches (en bois de tronc ou en bois de branche ? :-) ).
Le village plan du village de Tetemara est simple : les rues sont tracées à partir de la place de l’église, avec des dérivations par le port.
Il y a assez de place entre les maisons pour les jardins.
Toutes les maisons ne sont pas en bois : la construction traditionnelle se pratique toujours pour ceux qui ne peuvent pas acheter planches et peinture.
D’un coup de voile, le capitaine se rend à Tombe, le deuxième village de Viru Harbour.
Tombe fait face à Tetemara : 300 mètres d’eau salée les séparent.
Je suis entre les deux et j’entends les cloches des deux églises.
Le concours de beauté entre les pelouses des deux églises est permanent. Le résultat donne des parvis dignes d’un terrain de golf anglais.
Les deux villages sont Adventistes du Septième Jour.
Le septième jour, qui tombe le samedi, une délégation de diacres et l’orchestre de l’église viennent à mon bord.
Ils offrent une bible au capitaine. Elle est en Anglais. L’aide de Dieu sera nécessaire pour que Yves puisse la lire.
Plusieurs rivières se déversent dans Viru Harbour.
Le capitaine part en annexe remonter la Manggo River à la rame.
Il espère voir les crocodiles qui sont très nombreux ici, parait-il.
Ils mangent tout ce qui leurs passent à portée de dents : les chats, les chiens et les humains qui se baignent au mauvais moment et au mauvais endroit.
Il rame sur deux kilomètres puis la rivière n’est plus assez large pour les avirons.
Il n’a pas vu le moindre museau de crocodile, mais il a été suivi d’arbre en arbre par un toucan, presque aussi bruyant en vol que le Concorde.
Les pirogues passent …
… et repassent toute la journée le long de mes coques : je suis mouillé juste sur la ligne Tombe – Tetemara.
Quand ils ne sont pas à l’école, les enfants égaient mes journées de leurs jeux et de leurs rires.
Comme dans toutes les îles, le passage de la goélette est un évènement.
Ici, elle s’appelle Kosco.
Les habitants de Tombe pagaient vers le quai de Tetemara.
Les habitants de Tombe descendent sur le quai.
Déchargement, chargement dans un désordre apparent où chacun d’y retrouve sans cri ni affolement.
Puis c’est le retour à la maison avec les précieuses marchandises commandées à Honiara.
Moins de deux heures plus tard, le Kosco repart.
Les dockers sont très efficaces, à moins qu’il ne s’agisse simplement de manutentionnaires non syndiqués !
Mardi 4 octobre
Je pars un peu avant 7 heures du matin, en route vers Noro ou peut être Munda.
A cet heure, le vent n’est pas encore levé : peut-être s’est-il couché tard hier ?
Passé 9 heures, le vent arrive avec un nuage noir.
A 11 heures, la pointe nord de l’île de Rendova est doublée et à 13 heures nous entrons dans lagon de Munda.
Les grains se succèdent et rendent la visibilité des fonds aléatoire. N’ayant pas de carte précise de l’entrée de Munda, la capitaine décide de continuer sur Noro.
Aux moteurs, j’emprunte le Lucas Channel puis le Diamond Narrows. Passage profond mais étroit.
Les gens qui me regardent passer et me salut du seuil de leur maison : si j’avais su, je me serai laver les bordés.
NORO
Après avoir cherché pendant une heure un endroit adapté pour un navire de ma classe, le capitaine me fait entrer dans le lagon au nord de Cutter Point.
La passe est franchie avec un chausse-pied. Le bas de mes dérives y laissent de la peinture sous-marine : la profondeur est suffisante mais pas la largeur !
Je suis face à une maison où beaucoup d’enfants viennent jouer dans l’eau après l’école.
C’est nettement plus bruyant qu’une cour de récréation une vieille des vacances.
Dès que le capitaine tourne la tête, ils se lancent à l’abordage par mes jupes et mes étraves.
En ville, Yves demande où les voiliers de passage jettent l’ancre : c'est face au marché.
Et le lendemain mes dérives raclent de nouveau le fond pour aller mouiller dans un autre lagon, au sud de Cutter Point cette fois.
Je suis donc mouillé face au marché.
Une grande partie des produits arrivent le matin par pirogues ou bateaux à moteur.
C’est ici aussi que se font les relais des bateau-taxi à voiture-taxi.
Bref, je vois beaucoup de monde passer.
Cutter Point, c’est le quai des grands navires.
Ces deux garçons observent avec attention le porte-conteneur. Ont-ils pris la décision d’être marins quand ils seront grands ?
La production forestière est transbordée ici sur les navires de commerce depuis des barges.
Noro est un port international important pour les Salomon.
Lundi 17 octobre
Au saut du lit ou presque, nous partons pour Gizo.
Deux semaines d’escales durant lesquelles le capitaine continue la finition de mes aménagements. Je pars de Noro avec la salle de bain tribord entièrement habillée du Formica acheté aux Vanuatu.
La remontée de Hathorn Sound se fait aux moteurs parmi les embarcations de toutes les tailles.
Les petits croisent derrière les grands et nous faisons de même.
Pas fou : on ne sait jamais quand un mastodonte va se réveiller.
La route passe entre les îles vers Blackett Strait. Alternance de navigation sous grand-voile haute et sous grand-voile arrisée, sous foc et sous génaker.
A 13 heures, nous entrons dans le port de Gizo.
Il a mauvaise réputation : le vol sur les voiliers de passage y serait un sport local actif.
Nous passons le quai des caboteurs, …
... puis le quai des croiseurs.
Nous dépassons ensuite le marché.
Si le capitaine ne m’arrête pas, je vais terminer dans le mangrove tout au fond du port !
Ça y est, j’ai compris. Il avait une idée précise en tête : il me mouille face à un bar …
… pour pouvoir me surveiller tout en sirotant une bière.
Entre nous, cette surveillance est réciproque.
GIZO
Des bateaux se rendent au bar, comme celui-ci.
Il faut dire que celui-ci a un nom prédestiné !
Moi je reste sobrement au mouillage : je ne fréquente les bistrots.
Gizo est la seconde agglomération des Salomon.
Ce commerce ci est petit, mais peut être grandira-t-il pour devenir un supermarché. Avec une gestion très rigoureuse, les miracles sont possibles.
D’ailleurs il n’y pas de supermarché : il n’y a que des petits commerces tenus par des chinois, bien sûr.
Le marché est le centre vital de Gizo.
L’endroit où sans y refaire le monde, on y échange plus de potins que de marchandises.
Cela fait deux mois que nous sommes aux Salomon : la limite de durée de séjour fixée par l’immigration est atteinte.
Le capitaine rend visite aux services d’immigration : l’officier est en malade, un autre vient de Noro pour tamponner le passeport.
Le bureau des douanes est au premier étage de ce bâtiment : plusieurs visites sont nécessaire pour y trouver le douanier et obtenir la clearance.
Samedi 22 octobre
10 heures 45, le capitaine me manœuvre pour quitter le mouillage.
Quand un capitaine surveille son bateau depuis le bar, le départ très matinal (très ancien proverbe celte).
Un peu avant midi, la passe près de l’îlot Panapagha est franchie.
Cap sur la
Papouasie Nouvelle-Guinée.
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