DE
MICRONESIE AUX PHILIPPINES
Jeudi 5 janvier 2017
11 heures du matin.
Je quitte Yap par la passe d’Entrance Rock.
La prise de contact est brutale. La mer est formée, le vent souffle de l’Est Nord-est à 20 nœuds.
Sous foc et avec deux ris dans la grand-voile, je file à 9 nœuds.
La route vers l’Ouest est dégagée de tout danger.
780 miles pour atteindre l'archipel des Philippines : une distance moyenne pour cet immense Océan Pacifique.
Vendredi 6 janvier
Le vent est monté à 25 nœuds pendant la nuit. Le capitaine m’a roulé mon foc et mis sur une route presque plein vent arrière.
Il a pu passer une bonne nuit.
160 miles de midi à midi.
Avec un vent soufflant à plus de 25 nœuds, ma vitesse est bien modérée. Mais c’est l'attitude de sagesse pour voyager loin.
L’île de Palau est laissé à 130 miles dans le sud.
Il y a eu des grains de pluie pendant la nuit. Ma distance sur 24 heures augmente : 180 miles sous une voilure réduite et à une allure proche du vent arrière.
A 21 heures, un grain à 40 nœuds m'assaille : le capitaine réduit ma grand-voile au troisième ris.
A 23 heures, le vent monte brutalement à 56 nœuds et bascule sud-est. La température chute et la pluie se déchaine. Ma grand-voile est affalée et le foc est réduit à 2 m².
Dimanche 8 janvier
Le vent souffle encore fort toute la journée, toujours du Sud-est.
30 nœuds le matin, faiblissant 25 nœuds l’après-midi.
Le capitaine observe et me laisse avancer sous foc seul en grande partie roulé.
Il pleut : un dimanche à rester à la maison.
Lundi 9 janvier
Le vent reste au Sud-est mais modéré : la tempête est passée.
Le pare-brise du bimini n’a pas résisté aux rafales de vent, il sera à remplacer.
Le soleil revient dans la matinée : le capitaine fait le ménage dans le carré et met à sécher paillasson, tee-shirt et serpillère.
Je me sens mieux avec un intérieur sec.
Avant de renvoyer la grand-voile, il faut démêler la drisse qui a profité de sa liberté lors de l’affalage au début du coup de vent.
Elle a réussi, avec la complicité du vent et des vagues, à s’accrocher aux échelons de mat repliables entre les barres de flèche et le capelage.
Nous sommes à 100 miles des côtes.
Vers 16 heures, un bateau de pêche vient vers nous. Il a le look asiatique : c’est un trimaran et des petites bankas sont saisies sur les bras de liaison des flotteurs.
Elles sont l'équivalent des doris des morutiers des bancs de Terre-Neuve.
Il met trois bankas à l'eau.
Très rapides et très manouvrantes, elles viennent le long de mon bord pour échanger poissons contre cigarettes.
Mardi 10 janvier
Nous arrivons pour aujourd’hui.
Le capitaine mémorise au maximum les atterrages et recherche la meilleure route pour cette arrivée dans le gros temps.
Nous allons contourner la pointe Nord de l’île de Dinagat.
A 13h30, après deux empannages, la Pointe Désolation est doublée ainsi que les deux îlots Kayasa.
La mer est moins forte mais le vent monte à 30 nœuds.
Ma grand-voile est affalée et je file à 10 nœuds avec les 2 m² de foc.
L’approche finale vers Loreto se fait aux moteurs, vent de face.
La visibilité varie de faible à nulle suivant les grains.
A 14h20, je suis mouillé devant Loreto, face à la rivière Kanbinlio qui déverse ses eaux boueuses dans la mer.
La pluie continue de tomber et le vent de souffler.
Le capitaine est ravi d’en finir avec cette traversée musclée.
Il m’a fallu 5 jours et 5 heures pour couvrir les 780 miles depuis Yap.
_________________________________________________________________
AU REVOIR OCEAN PACIFIQUE
L’Océan Pacifique est derrière nous.
En deux ans et demi, j'y ai mouillé mon ancre 80 fois. Mes sillages l'ont marqué sur 13100 miles pendant l’équivalent de 95 jours de mer.
Depuis la Grande Motte, ma trace à la surface de la mer est de 30 000 miles : c'est plus qu'un tour du monde par les trois caps ! En 210 jours, je suis loin des records.
_________________________________________________________________
PHILIPPINES
– ILE DE DINAGAT – LORETO
La pluie cesse et permet de découvrir le paysage qui nous entoure.
Loreto est un petit village ; une partie des maisons du quartier où nous sommes est sur pilotis.
Les embarcations locales sont des trimarans choyés par leurs propriétaires : mis au sec pour les repos prolongés, coque et flotteurs peints.
La rue du quartier de Loreto où le capitaine débarque n’a pas de revêtement ; vélos et piétons slaloment entre les flaques d’eau.
Il y a un lieu de rassemblement par quartier. Devant un commerce, une planche suffit pour le confort des jeunes et des anciens
Yves est pris sous l’aile protectrice de Paul et Rex : ils tiennent une boutique / restaurant de presque 10 m², construit par Paul dans le jardin.
Grillade tous les soirs : c’est l’attraction du quartier.
A moto, ils emmènent mon capitaine visiter.
Ici à Black Beach, où le 6ème bataillon de ranger américain débarqua le 17 octobre 1944.
En retour, Yves fait visiter le bord.
Pour les enfants comme pour les adultes, c'est la première fois qu'ils montent sur un voilier.
Mon trampoline inquiète toujours au début. Très vite, il se transforme en sautoir.
Puis je deviens un simple plongeoir.
Une petite banka qui ramenait deux ouvriers du chantier de l’île Puyo a coulé.
Une seconde banka plus grande récupère hommes, matériel et bateau.
Le temps est rarement au beau : janvier c’est encore la saison des pluies dans l’Est des Philippines.
De mauvaises langues disent qu’à Dinagat, la saison des pluies dure toute l’année.
Après dix jours d’escale, nous quittons Loreto à regret.
Ce premier contact avec les philippins fait chaud au cœur.
Mais il faut continuer vers un port où il sera possible de faire l’entrée administrative dans le pays.
Nous longeons la côte Ouest de Dinagat presque sans la voir.
Des rafales soufflent jusqu’à 30 nœuds : je porte la grand-voile à trois ris et le foc. Navigation au portant, cap au sud.
Le vent se calme en début d’après-midi
Un élève français dessine la carte de France dans un hexagone. Pour un élève philippin, l'exercice est plus compliqué.
Voici ma route au travers cet archipel.
Dans l’ovale, la zone objet de notre propos.
ILE DE DINAGAT - NONOC
6 heures plus tard, j’entre dans la baie de Nonoc.
Je me faufile dans l’étroit chenal entre les pièges à poissons. La vue satellite de la passe permet au capitaine d’éviter les bancs de sable.
J’ai avalé les 42 miles depuis Dinagat à 7 nœuds de moyenne.
Je suis dans un mouillage très calme, classé trou à cyclone.
Le ciel se dégage : le beau temps existe toujours sur terre.
Le capitaine me laisse seul et prend la banka de 7 heures du matin pour aller à Surigao faire les formalités d’entrée aux Philippines.
La ville est très active : des véhicules en tout genre se croisent, transportant personnes ou marchandises.
Visite aux douanes : une demi-heure plus tard, les papiers sont en ordre pour 6 euros, café compris. Visite à l’immigration : une demi-heure plus tard, le passeport est tamponné pour 0 euro, sourire compris.
Qui a dit que les formalités aux Philippines étaient longues et couteuses ?
Quelques semaines plus tard, Surigao sera durement touché par un tremblement de terre
Retour à Nonoc à midi.
La banka est chargée : les gens vont faire leurs courses à Surigao et reviennent avec plein de sac plastique.
La civilisation caddie est en route.
Plus aucun doute, nous sommes en Asie …
… les chapeaux chinois se portent toujours.
Ils ne font pas encore parti du folklore comme les chapeaux bretons.
Dimanche 22 janvier : je passe devant le village de Nonoc et nous mettons en route vers Maasin.
Navigation entre les îles …
… et les bateaux.
Le trafic est intense et la veille doit être permanente.
Navigation sportive avec une alternance de calmes et de grains.
Les ris sont pris puis largués ; un grain à 28 nœuds oblige le capitaine à affaler complètement la grand-voile.
ILE DE LEITE - MAASIN
Après 8 heures de route et 50 miles plus loin, mon ancre tombe par 8 mètres de fond devant Maasin.
D’où je suis, je vois le supermarché et des antennes bardées de transmetteurs en tout genre qui permettent l'accès Internet jusqu'à mon bord.
Nous sommes de retour dans le monde civilisé.
Les rues de la ville sont sillonnées par les tricycles, motorisés ou non.
Places ombragées, petits et grands commerces : la ville de Maasin est plaisante.
Mais le mouillage sans réel protection est agité.
Nous repartons dès le mardi vers l’île de Lapinin, au nord de la grande île de Bohol.
ILE DE LAPININ - PITOGO
Un vent de 18 nœuds m’a poussé vers l’Est.
Nous avons débordé la pointe Tugas par le nord, puis l’île Budlaam.
Mon ancre tombe avant 13 heures dans la passe de Lapinin, devant le port de Pitogo.
La banka est le moyen de transport majeur pour ce peuple insulaire.
Je suis mouillé un peu à l’écart du quai pour ne pas les gêner dans leur manœuvre d’accostage.
Le trafic portuaire est intense le matin et le soir pour les passagers, journée et nuit pour les marchandises.
Les grandes bankas accostent au môle, les petites se contentent de la plage.
Mon annexe est acceptée sur le môle.
Le village de Pitogo, c’est principalement une rue qui monte à partir du port, sa raison d’être.
De chaque côté, commerces, églises, écoles, salle communale.
Les motos et des tricycles sont les acteurs d’une circulation sans embouteillage.
Au bout de la rue, après 10 minutes de marche, la campagne est là.
Rizières …
… buffles …
… maison de bambou …
… et panneaux de basquet
composent un paysage pastoral très serein.
J’ai parfois la visite d’un voilier.
Les laizes de cette voile sont ordonnées autour de la toile d'un parapluie.
Celle-ci est composée du tissus de robes sans doute passées de mode.
Les enfants viennent se divertir autour de moi sans tenter le passage entre les coques.
Mais l'idée a germée dans ces cerveaux en ébulition.
Mardi 24 janvier : nous quittons Pitogo pour Cebu.
Le vent n’est pas au rendez-vous et la fumée des cuisinières stagne sur le village.
Il faut tout d’abord traversé un lagon de plus de 10 miles de large.
La pêche aux crabes y est intense. Les bras des flotteurs sont couverts de casiers.
Le
pêcheur jette ses casiers avec le geste ample du semeur.
Je sors du lagon par la passe Nord-Est puis je file au près le long de la barrière de corail.
Je double la Baie Magellan, au nord de Mactan, sous génaker.
Il faut ensuite affaler la toile pour naviguer sans risque de collision parmi une foule de navires de commerce qui bouchent tout l’horizon.
Un peu avant 15 heures, je suis mouillé à l’ouest du Yacht Club de Cebu.
Magellan y a fait sa dernière escale il y a 496 ans : à l’époque, le Yacht Club n’existait pas.
A suivre …
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire