DE
NOUVELLE IRLANDE A YAP
Dimanche 4 décembre 2016
Nous quittons la Papouasie - Nouvelle Guinée à 8 heures du matin, une heure après Hélios en route lui aussi vers Yap.
La préséance veut que le multicoque précède le monocoque : très vite, je passe donc devant lui.
Peu à pas de vent, soleil, nuages d’orage sur l’horizon : aucun doute possible, nous sommes dans le poteau noir (d'ailleurs bien visible sur la photo).
1150 miles séparent Kavieng de Yap, en Micronésie.
L’équateur est sur notre route ainsi que les inévitables calmes qu’ils l’entourent.
La stratégie du capitaine : franchir cette zone de calme par le plus court chemin, c’est-à-dire cap au nord, puis obliquer vers l’ouest à partir du 5ème parallèle nord où nous devrions toucher les alizés du nord-est.
Le moteur m’a permis d’avancer toute la journée.
Au coucher du soleil, un vent du sud à 5 nœuds me permet d’avancer sous genaker : c’est plus silencieux et plus élégant
Lundi 5 décembre
Le genaker est remplacé par le spi au lever du jour.
J’avance à 4 nœuds poussé par un vent de sud-est de 7 nœuds : difficile de faire mieux.
La retenue de bôme est gréée pour stabiliser la grand-voile : elle a tendance à écouter les sollicitations de la houle plus que la pression du vent.
Les grains se suivent et se ressemblent : pluie abondante et vent absent.
A 21 heures, nous franchissons l’équateur dans le sens sud-nord.
Nous sommes à 7860 miles de l’endroit où nous l’avions franchi dans le sens nord-sud, de l’autre côté de l’Océan Pacifique.
Mardi 6 décembre
Il n’y a pas plus de vent dans l’hémisphère nord que dans l’hémisphère sud.
Le soleil se lève toujours à l’est des deux côtés de l’équateur, mais maintenant les couleurs sont automnales et non plus printanières comme hier
Rencontre originale en milieu d’après-midi : une embarcation en bois flotté armée pour la haute-mer et menée un équipage de trois volatiles marin.
Celui qui est en haut sur la passerelle est le capitaine, à moins que ce ne soit l’officier de quart.
Mercredi 7 décembre
Depuis hier, j’avance soit au près avec du vent variable suivant les grains, soit au moteur quand le vent, toujours faible, est face à ma route.
Un oiseau est tombé sur le pont vers midi.
Il jouait avec ma tête de mat et a heurté la girouette.
Blessé à l'aile, il ne peut pas repartir. Il ne verra pas le jour se lever.
Jeudi 8 décembre
Toujours cap au nord nord-ouest en attendant de toucher l’alizé.
Depuis mardi, les distances journalières sont inférieures à 100 miles malgré la participation active des moteurs. Nous approchons du 4ème parallèle nord et nous sommes toujours parmi les poteaux noirs.
Mes voiles d’avant restent parées à intervenir : foc, génaker et spi se relaient en fonction de la force et de la direction du vent, qui est lui-même soumis aux caprices des nuages.
La nuit dernière, un grain est monté à 27 nœuds : le capitaine m’a mis sous foc roulé et grand-voile arrisée
Parfois, soit pour m’assurer une meilleure vitesse, soit pour le repos du pilote automatique, soit pour s’occuper, le capitaine met la main à la barre.
Comme cette après-midi avec un vent d’ouest à 13 nœuds : le touché de ma barre reste un plaisir.
Vendredi 9 décembre
La nuit a été calme : pas de grain ni de pluie … ni de vent.
Le capitaine a pu dormir sur une oreille, l’autre restant à l’écoute de mes carènes.
Le 5ème parallèle nord est franchi.
Le vent de nord-est n’est pas encore établi mais le cap est mis sur Yap : c’est bon pour le moral.
Et puis il faut parfois forcer la main de l'Autorité Supérieure.
Les distances journalières sont maintenant au-dessus des 120 miles : nous arriverons certainement avant Noël.
Samedi 10 décembre
Cette nuit, Lantle Reef est doublé. Ce haut-fond à moins de 4 mètres est le premier rempart de Micronésie.
Nous sommes à 480 miles de Yap.
Le vent souffle de plus en plus souvent du secteur Est.
Le capitaine jongle jour et nuit avec ma voilure pour me permettre des vitesses honorables.
Le ciel change, le vent varie, la mer est confuse.
... Parfois, cela mérite une photo.
C’est le jour du Seigneur : je m’habille de mon spi qui conserve forme et couleurs comme le jour de sa sortie de la voilerie.
Le capitaine s’habille le dimanche comme tous les autres jours de la semaine. Sa toilette n’inclue pas le rasage.
Nous doublons Ifalik par le sud, puis passons entre Wolea et Eauripik. Pas d’arrêt dans ces petits atolls : nous ne pouvons pas y faire l’entrée administrative dans les Etats fédérés de Micronésie.
Dommage, ils ne doivent pas avoir beaucoup de visite.
La nuit dernière, un navire a croisé dans notre sud. Cet après-midi, c’est un minéralier qui passe devant. En fin de journée, un bateau chargé de grumes.
Nous traversons des routes maritimes qui mènent au Japon.
Le radar sonne l’alarme à chaque bateau. Jusqu’à présent il n’a pas été nécessaire de nous dérouter.
Lundi 12 décembre
Il reste 200 miles pour Yap : le capitaine a le moral d’un cheval qui sent l’écurie.
Le vent n’est pas très fort mais il reste accroché au secteur Est.
Génaker et spi se relaient pour me rapprocher du but.
Mardi 13 décembre
Dixième jour de mer et sans doute le dernier de cette traversée.
Le vent a soufflé jusqu’à 20 nœuds cette nuit. Moi aussi je sens l’écurie : de midi à midi j’ai parcouru 185 miles.
En fin d’après-midi, je longe la barrière de corail de Yap.
A 17 heures, les voiles sont amenées et le capitaine m’engage dans le long couloir qui coupe le récif vers Tamil Harbor, à Colonia.
La passe s’appelle "Entrance Rock" : tout un programme !
Nous sommes au milieu de ce couloir bordé de récifs affleurant quand un grain escamote tous les repères.
Heureusement, la carte électronique est exacte et nous poursuivons la route aux instruments.
Port Tamil surgit derrière le grain.
A 17h40, je suis mouillé au fond du port.
Lente traversée : 1155 miles en 9 jours et 10 heures. La moyenne de 5 nœuds a été atteinte avec l’appui des moteurs pendant 76 heures.
La lune est pleine. Elle prend le relais du soleil mais cette nuit, le capitaine n’aura pas besoin de surveiller mes voiles et le ciel.
Le(s) petit(s) verre(s) de l’arrivée a (ont) un gout bien mérité(s).
YAP
Je suis seul au mouillage dans le port .
Un coté du bassin est urbanisé comme une zone portuaire …
… l’autre est géré par la nature.
Mais des habitations se cachent derrière le rideau végétal.
Urbanisé ou pas, le tour du bassin est l’aire des jeux aquatiques des jeunes : ce sont de vrais insulaires et ils restent dans l'eau plusieurs heures.
C’est un tout petit état. Cependant les formalités sont inversement proportionnelles à la taille du pays. Une dizaine de représentant de cinq administrations assaillent mon capitaine deux heures durant dans les bureaux du port.
Ambiance tendue au début : en arrivant, il n’a pas contacté les autorités par VHF. De plus l’email envoyé depuis Kavieng n’est pas arrivé dans le bon bureau !
11376 habitants sur 118 km² justifient la présence d’une Cour Suprême disposant d’un joli jardin …
… et de nombreuses églises serties dans la végétation.
Le capitaine part à pied le long des routes.
Il se sent seul sur le bas-côté : ici la voiture est reine.
Héritage de la colonisation américaine ?
La traversée de l’île se fait sans user la semelle des tong : cinq kilomètres à peine et il faut s’arrêter ... ou plonger dans le lagon.
Yap, c’était l’île à la monnaie de pierre. Les pièces ressemblent à un sous percé d'environ un mètre de diamètre.
Pour être voleur à la tire, il fallait passer de longues heures en salle de musculation.
David Douillet a-t-il collecté ces pièces grises avant les pièces jaunes ?
Cette monnaie est la fierté de l’île : les plaques des voitures le rappellent.
La morphologie des habitants rappelle celle des polynésiens : grand, fort et entouré d’une couche de graisse protectrice.
Hélios m’a rejoint dans le bassin à Colonia.
Il y a largement de la place pour deux bateaux.
D'être mouillé proche l'un de l'autre, cela permet aux capitaines de s'inviter puis de se renvoyer des invitations à l’apéritifs sans avoir recours au téléphone ou à la VHF.
Le 21 décembre, nous partons nous mettre à l’abri. Nock-Ten, 26ème système cyclonique et 13ème typhon de la saison 2016 pour le Pacifique Nord-Ouest fait route vers Yap.
Nous nous retrouvons dans l’étroit chenal en même temps que le porte-conteneurs hebdomadaire.
Je suis mouillé dans un bras de mer entouré de mangrove, près de Rumlug.
Le soleil se couche. C'est la veillée d’arme avant un probable combat contre les éléments.
Le capitaine décide de quitter ce faux refuge. Remonter mon ancre n’est pas facile, surtout avec le récif de corail juste derrière. J’en suis quitte pour une touchette de la dérive tribord.
Moteurs à fond, nous remontons dans le vent sans aucune visibilité : les pluies diluviennes sont les compagnes des cyclones.
Nous remouillons dans la baie voisine, face à Dugor. Nous sommes protégés par la pointe sud de la baie.
En début de nuit, le baromètre remonte et le vent se calme : le danger s’éloigne.
Nock-Ten est passé au sud de Yap.
Il continue se course vers les Philippines où il va faire des victimes et d'importants dégâts.
Retour au port de Tamil.
Nous y passons Noël, en compagnie de Hélios.
Puis Quisas arrivent de Kavieng : nous sommes trois voiliers et trois pavillons français pour le nouvel an à Yap.
Le 5 janvier 2017, les formalités de sortie sont faites en début de matinée.
Je quitte le mouillage et à 10h45, la passe est franchie : cap plein ouest vers les Philippines.
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